Logement : "Le marché ne pourra pas s'autoréguler"
L'économiste Michel Mouillart estime qu'une éventuelle baisse des prix des logements - sur laquelle misent bien des candidats acheteurs, et même certains professionnels - ne suffirait pas à redonner de la solvabilité aux accédants. "Il faut que les politiques monétaires s'assouplissent pour que les établissements bancaires retrouvent des capacités d'intervention".
"On peut escompter une embellie du marché du logement neuf à l'été 2009, si des mesures sont prises dès maintenant : baisse des taux notamment, et si les tensions financières internationales s'apaisent." Ce scénario optimiste, l'économiste spécialiste du logement Michel Mouillart l'asseoit sur une analyse fine de la chute des ventes de logement neuf au deuxième trimestre 2008 (21 500 logements, soit -33,9% par rapport à la même période de 2007), faisant suite à un décrochage en début d'année. Les professionnels attendent 80 000 ventes environ sur l'année 2008, contre 120 000 en 2007, et ce, alors que les stocks atteignaient 110 500 unités à fin juin 2008.
Tous les opérateurs souffrent
"Le croisement de différentes enquêtes avec les chiffres du ministère de l'Ecologie - notamment celle de la Fédération des Promoteurs Constructeurs - indique que cette chute est imputable pour 40% à la baisse de l'investissement locatif, et pour 60% à celle de l'accession individuelle", indique Michel Mouillart. "Même les promoteurs qui avaient anticipé le repli de l'investissement locatif sont touchés par le coup de frein actuel."
La question n'est donc pas tant que certains professionnels auraient pris des risques inconsidérés, comme on l'entend dire à propos des problèmes que rencontre le groupe Celeos, très engagé dans les produits défiscalisés (ils représentaient encore près de 70% du chiffre d'affaires à la fin du premier semestre 2008). Le groupe a demandé vendredi 29 août la suspension de sa cotation en bourse. Même si Celeos est l'un des premiers gravement touchés, ayant bâti son modèle de développement sur une croissance permanente, d'autres professionnels vont annoncer des difficultés. Le ralentissement du rythme d'écoulement des stocks fait peser lourd les portefeuilles fonciers.
"Il n'y a pas d'acheteurs, poursuit l'économiste de Nanterre, parce que les financements manquent. D'une part le marché de l'ancien est bloqué, alors que dans la moitié des cas c'est la vente d'un logement ancien qui finance l'achat d'un logement neuf. Et, surtout, les banques ne trouvent pas sur les marchés financiers les sommes nécessaires pour prêter aux candidats à l'accession."
Assouplir les conditions d'accès au crédit pour les banques
Selon Michel Mouillart, le besoin de financement des emprunts immobiliers nouveaux des particuliers pèse 150 milliards d'euros par an. "Où les banques vont-elles les trouver, dans un contexte de crise financière internationale ? et à quelles conditions ? Elles empruntent aujourd'hui à 5,5% sur trois ans..." Au passage l'économiste regrette la réforme de l'épargne logement "qui assurait 55% à 60% des besoins de financement à la fin des années 90, contre 20% seulement aujourd'hui".
"Je ne vois pas comment le marché pourrait repartir de lui-même. Même les économistes les plus libéraux ne le pensent pas. Il ne suffit pas que les prix baissent. L'Etat doit accepter de réguler. Nous payons le prix d'une crise financière de dérégulation des marchés, dans laquelle les établissements bancaires français n'ont d'ailleurs pas de responsabilités. Il devient nécessaire d'assouplir les conditions d'accès au crédit."