La Métropole du Grand Paris devrait laisser l'essentiel du pouvoir aux maires
Au titre de ses compétences en matière d'aménagement, la Métropole du Grand Paris élaborera uniquement un Schéma de cohérence territoriale (SCoT) et des schémas de secteur - si la proposition de réécriture de l'article 12 de la loi Métropole est adoptée par le Parlement. Elle perdrait alors la compétence du PLU et des documents d'urbanisme en tenant lieu, aujourd'hui inscrite dans la loi. Ils seraient élaborés par les communes ou les territoires, et simplement "compatibles avec le SCoT" - ce qui laisse de la marge.
Avant le passage au Parlement en décembre 2014 dans le cadre de la loi Nouvelle organisation de la République, le gouvernement va reprendre le texte voté par le Conseil des élus de la métropole vendredi 14 novembre, qui réécrit l'article 12 de la loi MAPTAM. Parallèlement, les parlementaires vont se préparer au débat. Ainsi, une conférence se tient toute la journée du 20 novembre, à l'initiative d'Alexis Bachelay, député PS des Hauts-de-Seine qui avait inspiré la loi métropoles, en connivence avec le sénateur UMP de Seine-Saint-Denis, Philippe Dallier. Les deux hommes regrettent que l'égoïsme municipal des communes riches reprenne le dessus - dont le symbole leur paraît être l'accord Patrick Devedjian-Anne Hidalgo pour partager les produits fiscaux : aux territoires la cotisation foncière des entreprises, à la métropole la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Deux recettes dont le produit est à peu de chose près équivalent : de l'ordre d'un milliard d'euros chacune. Par ailleurs, les communes récupèrent la part départementale de la taxe d'habitation, qui s'ajoute à la leur.
> Lire aussi la Note Rapide de l'IAU : La Métropole du Grand Paris, considérants financiers et fiscaux
Limitation des transfert de compétences au-dessus du niveau intercommunal
De fait, les transferts d'argent et de compétences dont disposent aujourd'hui les communes seront limités : ils iront essentiellement vers les établissements de coopération intercommunale qui vont devenir obligatoires sous le nom de "territoires". La métropole se contentera de peu.
L'action de la métropole en matière d'aménagement, comme de développement économique et activité, d'équipements culturels et sportifs, sera limitée à ce qui est "d'intérêt métropolitain".
Elle élaborera ainsi un simple SCoT, et non un PLU intercommunal. Le SCoT définira des opérations d'aménagement "d'intérêt métropolitain", que le projet d'article de loi énumère : actions de restructuration urbaine "d'intérêt métropolitain", actions de valorisation du patrimoine naturel et paysager "d'intérêt métropolitain", constitution de réserves foncière "d'intérêt métropolitain".
Négociation avec les communes et territoires
La métropole pourra également établir, exploiter, acquérir, mettre à disposition, des infrastructures et réseaux de télécommunication "d'intérêt métropolitain". Ces compétences d'intérêt métropolitain pouvant être déléguées aux territoires, à l'exception seule des documents de planification, comme l'avait demandé le conseil des élus, que restera-t-il à la métropole ? Comme la loi le dit déjà, c'est elle qui porterait la candidature de Paris à l'organisation des JO, ou à l'accueil de l'Exposition universelle.
Mais surtout, partageant les compétences avec communes et territoire intercommunaux suivant un principe de subsidiarité, elle pourrait devoir se tourner vers le transfert de compétences d'Etat ou régionales pour étoffer un peu son poids - la disparition des départements n'étant pas encore acquise.
Ainsi, elle pourrait se voir déléguer par le Stif des attributions la constituant au 1er janvier 2016 comme autorité organisatrice des transports de second rang. Elle élaborerait un plan de déplacements, et pourrait déléguer cette capacité aux territoires.
Transfert d'OIN et d'EPA
Comme la loi métropoles le prévoit déjà, l'Etat pourrait déléguer à la métropole par convention l'attribution des aides au logement locatif social, la réquisition avec attributaire, la veille sociale et l'aide aux sans domicile (mais plus le DALO).
Enfin, l'Etat peut transférer, comme dans les métropoles de droit commun, la propriété, l'aménagement, l'entretien et la gestion d'équipements ou d'infrastructures. De même, certaines Opérations d'intérêt national peuvent être déclarées d'intérêt métropolitain, par vote du conseil de la métropole, puis leur transfert autorisé par décret en Conseil d'Etat. L'établissement public en charge de cette OIN serait alors transféré à la métropole.
Des politiques d'habitat d'intérêt métropolitain
Ce qu'est l'intérêt métropolitain n'est pas encore défini. Il le sera, pour chaque compétence concernée, dans les deux ans qui suivront la création de la métropole, à la majorité des deux tiers du conseil de la métropole. Ce conseil est constitué majoritairement des maires.
L'intérêt métropolitain devra également caractériser les compétences attribuées en matière de politique locale de l'habitat. Dans le cadre du Plan métropolitain de l'habitat et de l'hébergement, attendu au plus tard le 1er janvier 2018, la métropole doit élaborer un PLH ou son équivalent - mais elle peut déléguer cette compétence aux communes, de même que "l'amélioration du parc immobilier bâti d'intérêt métropolitain". En revanche elle sera seule en charge des opérations de réhabilitation et résorption de l'habitat insalubre d'intérêt métropolitain (à définir).
Elle pourra cependant apporter des aides financières complémentaires au logement social, et engager une "procédure intégrée pour le logement" (une PIL), née de la loi ALUR. Par contre, la compétence DALO ne pourrait plus lui être transférée par l'Etat - comme prévu aujourd'hui par la loi Métropoles,
La métropole est organisée en établissements publics territoriaux à statut particulier
Le projet de réécriture de la loi indique : "La métropole du Grand Paris est organisée en territoires, établissements publics territoriaux à fiscalité propre à statut particulier, d'un seul tenant et sans enclave, d'au moins 300 000 habitants, créés au 1er janvier 2016". Le ressort territorial de la commune de Paris est assimilé à un territoire.
La métropole serait donc un EPCI composé d'EPCI, les communes appartenant à deux établissements intercommunaux, ce que la loi aujourd'hui n'autorise pas. Il faudra voter une dérogation à l'article L. 5210-2 du Code général des collectivités territoriales .
C'est le préfet de région qui fixerait le périmètre et le siège des territoires, "après consultation" des communes et intercommunalités concernés, qui disposeront de deux mois pour rendre leur avis. La définition des périmètres "peut prendre en compte" les territoires de projet couverts par un CDT ou un contrat de développement d'intérêt territorial.
Le partage des compétences entre communes et territoires intercommunaux
C'est entre ces deux niveaux que le pouvoir va véritablement se répartir, si les changements proposés sont votés par les parlementaires.
Ainsi, les conseils de territoire exerceraient de plein droit, en lieu et place des communes, tout d'abord l'élaboration du PLU - sauf minorité de blocage, auquel cas ce seraient les communes.
Ensuite, la définition, la création et la réalisation d'opérations d'aménagement d'intérêt territorial, les actions de restructuration urbaine, les actions de valorisation du patrimoine naturel et paysager, et la constitution de réserves foncières d'intérêt territorial.
En matière de développement économique, les territoires auraient de plein droit la compétence de créer, aménager, gérer, des zones d'activités industrielle, commerciale, tertiaire et aéroportuaire "d'intérêt territorial", et des actions de développement économiques à cette échelle.
Les communes peuvent s'opposer à certains transferts
L'administration des offices publics de l'habitat reviendrait aux territoires sauf si les communes concernées s'y opposent. L'amélioration du parc immobilier bâti, la réhabilitation et la résorption de l'habitat insalubre leur reviendrait également.
Ils prendraient en charge la politique de la ville, sauf si les communes s'y opposent. Et aussi la voirie de niveau territorial, l'assainissement, l'eau, la protection de l'environnement, les déchets ménagers, les équipements culturels et sportifs "d'intérêt territorial".
Ce dernier point sera intéressant à préciser : la tour Eiffel est-elle d'intérêt métropolitain ? L'intérêt territorial sera déterminé à la majorité des deux tiers du conseil territorial, cependant que l'intérêt métropolitain le sera à la même majorité par le conseil de la métropole.
Par ailleurs, un conseil de territoire pourrait demander à la métropole de lui déléguer des compétences qui lui auraient été transférées par les communes.
Continuité dans les intercommunalités déjà existantes
Là où existent déjà des établissements intercommunaux, la réécriture de la loi prévoit le maintien de la répartition des compétences acquise, et la continuité entre intérêt communautaire et intérêt territorial - jusqu'à définition de ce dernier. L'ensemble des biens, droits et obligations seraient transférés au territoire. La continuité des contrats serait assurée.
Enfin, une conférence territoriale serait instituée, regroupant tous les présidents de conseils territoriaux et le président du conseil métropolitain, "chargée de favoriser un exercice concerté des compétences de la métropole du Grand Paris et des territoires".
Il n'y aurait plus d'aller-retour des compétences entre la métropole et les communes. En effet, le statut juridique attribué aux territoires rendrait obsolète cet article de la loi métropoles. C'est en quelque sorte le territoire intercommunal qui reprendrait du poids - et les maires qui le composent.
Un fonds d'aide aux territoires bâtisseurs
A compter de 2016, il serait créé un fonds d'investissement métropolitain, "qui a pour objet de réduire les inégalités territoriales, et d'apporter un soutien au financement d'équipements dans le cadre de la réalisation des programmes de logements".
Ce fonds serait abondé d'abord par la part parisienne de la dotation d'intercommunalité de la métropole du Grand Paris, part à laquelle renoncerait la capitale. S'y ajouterait une part (? non définie) de la croissance de la cotisation des entreprises sur la valeur ajoutée. Et enfin, une part (? non définie) des subventions d'investissement du budget métropolitain. Rémi Cambau
REJOINDRE LA METROPOLE DEPUIS LA GRANDE COURONNE
Cinq communes de grande couronne adhèrent à la future métropole du Grand Paris. Cependant, la métropole future pourra absorber les zones aéroportuaires, si l'amendement à l'article 12 est adopté : il suffira d'appartenir au même périmètre de Contrat de développement territorial ou d'intérêt territorial (périmètre défini par un arrêté préfectoral), qu'une commune de petite couronne. Cependant, une majorité des communes comprises dans le périmètre pourra s'y opposer.
Les 45 communes de grande couronne, limitrophes de la métropole du Grand Paris, avaient jusqu’au 15 novembre pour décider de rejoindre le futur EPCI. A la date du 14 novembre, cinq villes avaient choisi de franchir le pas: Argenteuil (Val-d’Oise), Chelles (Seine-et-Marne), Athis-Mons, Paray-Vieille-Poste et Vigneux (Essonne). Certaines, comme Vélizy, avaient refusé, et d'autres restaient dans l'attente de savoir ce que sera la métropole... au point qu'un nouveau délai supplémentaire pourrait leur être accordé.