Leçons d'une consultation hors normes. Tandis que l'hôtel particulier gothique de 1880 voit sa consultation infructueuse, sur les 22 autres sites, l'énergie dépensée laisse bien sûr les perdants déçus, mais aussi le maître d'ouvrage au regret de ne pouvoir réaliser qu'un projet sur chaque site. Tant les équipes finalistes ont rivalisé d'inventivité... Voyez le projet de funerarium à la Poterne des Peupliers. Et même si, par exemple, on ne sait pas encore dans quel cadre juridique l'immeuble Pershing lauréat pourra revendre son surplus d'électricité produite à des bâtiments "dans le besoin" ailleurs dans Paris, comme prévoit de le faire la Fondation que veulent créer les investisseurs, Compagnie de Phalsbourg et OGIC, grâce aux plans de Franck Boutté.
Peut-être l'une des plus spectaculaires propositions de l'appel à projets. Sou Fujimoto et Manal Rachdi (agence Oxo) proposent moins un geste architectural qu'un geste urbain : c'est tout un "village flottant au milieu d'une forêt", hybridant ville et nature, qui doit voir le jour au-dessus du périphérique. Soit bien plus qu'un "immeuble-pont". Le tout en imbriquant comme rarement les fonctions, et en faisant carton plein sur les nouveaux usages.
Site phare de la consultation, Sully-Morland va s'ouvrir en même temps qu'il va se fermer. Le projet de David Chipperfield avec Michel Desvigne Paysage trouve en effet ses constructibilités en bouclant le U de l'îlot par un nouvel immeuble à R+7 accueillant une auberge de jeunesse, mais propose également une traversée complète de l'enclave, de part en part, en perçant l'existant.
Le projet de TVK et OLM pour Sodéarif et ICF vient résoudre la délicate équation du Triangle Evangile, dans ce qui sera la brique finale de ce secteur de Paris Nord-Est, aux côtés de la gare Rosa Parks, de l'entrepôt Macdonald, et de la ZAC Claude-Bernard. Sur un hectare, les porteurs de projet ont imaginé un quartier entier, unifié par un grand jardin.
Tout un îlot mixte en surplomb de la tranchée ouverte du périphérique, le tout à grands renforts de structure bois. Tel est le pari de BNP Paribas avec Jacques Ferrier, Chartier Dalix et SLA Paysagistes. Les 20 000 m² de surfaces de plancher accueilleront 70 logements en accession, des logements sociaux, des commerces, ainsi que 11 000 m² de bureaux. Comme à la porte Maillot voisine, l'enjeu est aussi ici de dresser un trait d'union entre Paris et sa banlieue.
"Un très beau site qui a fait couler beaucoup d'encre", résume Jean-Louis Missika, en référence aux attentes des associations de riverains qui se sont exprimées tout au long de Réinventer Paris sur ce site. Les architectes Olivier Palatre et l'Atelier Roberta promettent "d'insuffler la nature dans le projet", via la roche, et l'écrin végétal de la terrasse. Le grand hall devra s'ouvrir comme un espace public. Les différentes parties du site doivent s'organiser comme un "réseau de lieux atypiques", dans lesquels se déploieront les activités des occupants regroupés sous la bannière d'Etoile Cinémas de David Henochsberg.
L'agence Nicolas Laisné Associés (NL*A) tire le maximum du petit site hautement complexe, glissé dans les interstices des tours de logement de Paris Habitat. Les 3 volumes de petit collectif (du R+4 au R+7) compte 76 logements, dans des formes architecturales prononcées. Une conciergerie solidaire et des "jardins habités" sont également prévus en plus des logements.
Le mur d'algues de X-TU va enfin pousser. Le concept de bio-façade mis en avant depuis longtemps par l'agence a séduit le jury : une double peau générant à l'année des micro-algues grâce à des capteurs solaires et un système hydraulique intégré.
"Une étonnante tour de Babel entièrement écologique", annonce Anne Hidalgo, va venir s'installer aux côtés de la gare Masséna désaffectée, voisine de la maison Planeix de Corbu. Mots-clés du projet conçu par DGT et porté SEGM et Hertel : circuits-courts et alimentation.
Sur un tout petit terrain nu de 418 m² dans le 13e arrondissement, il fallait créer du logement, sans gêner les occupants des bâtiments existants. Outre les réponses apportées par l'architecture de Manuelle Gautrand, et la mutualisation forte des locaux, l'immeuble est conçu comme un centre de profit, dégageant des recettes pour compenser ses charges d'exploitation.
Faire d'un délaissé urbain le plus bel endroit de Paris où passer sa mort : tel est le projet iconoclaste de la Compagnie de Phalsbourg. Entouré d'AAVP, Patrick Blanc et Paul Arène, le groupe propose d'ériger, sur une nouvelle place, un funérarium d'un nouveau genre, dans une résille métallique fine et hyper-sensible. Dans le même temps, le projet compte bien miser sur la localisation de la Poterne des Peuplier, connectée aux grands axes de transport : en plus d'être un funérarium, Node sera aussi... Un hub de logistique urbaine compact, pensé dans la verticalité. Deux fonctions soigneusement isolées l'une de l'autre par les architectes, pour garantir dignité et attention aux familles en recueillement.
La SAS Hammerson, propriétaire du centre commercial Italie 2, remporte la consultation, et trouve là une extension naturelle de ses activités. Dans un projet conçu par L35 Architeos et l'agence Ory & Associés, avec le promoteur Autres Attitudes Urbaines, les porteurs de projets envisagent de conquérir la parcelle par un programme de 7 000 m², dont un socle de plain-pied et des volumes en étage uniquement composés de structures en bois. Quelque 1 100 m² de toiture s'ouvriront aux activités de potager urbain de Topager, dans le cadre d'un partenariat avec la garderie Môm'artre. Dans ce projet commercial orienté innovation, trois cellules seront spécifiquement dédiées aux jeunes pousses de Paris Initiative Entreprise.
Anne Hidalgo et Jean-Louis Missika ont salué le projet mettant le mieux en valeur le bâtiment d'origine : les bains-douches en pierre rouge des années 1930. Sur une parcelle pourtant minuscule, les concepteurs de l'agence Red (avec BGPA et Albert Hassan Architecte) réussissent pourtant à trouver de la place pour construire un immeuble neuf, tout en rénovant l'édifice d'origine.
C'est un grand espace dédié à la mode qui viendra s'installer dans l'hôtel particulier du 17ème siècle, autrefois habité par Madame de Sévigné. Pour mettre au point ce projet, les partenaires regroupés en collectif ont combiné leurs business models, soutenus par l'école Duperré et WeWork. Au programme : des lieux pour les jeunes créateurs, des concepts et pop-stores, un "hub" de création, et, bien sûr, les incontournables nécessaires espaces de défilés, showrooms, ateliers, pleinement modulables.
Le plus vieux site de Réinventer Paris, dans un des quartiers les plus huppés de la capitale, s'ouvre à l'innovation. C'est le projet d'incubateur philanthropique, porté par la Compagnie de Phalsbourg, qui l'emporte. Un projet tout droit issu de l'esprit du promoteur Philippe Journo et de son épouse Karine, connus pour consacrer chaque année un cinquième de leurs revenus personnels au mécénat patrimonial et culturel.
De l'espace pour de la mixité. L'Art de Construire et Pablo Katz ne prévoient pas de faire table rase de l'ancien conservatoire Maurice-Ravel, construit dans les 1980. Tout leur projet repose plutôt sur une réinterrogation profonde du bâti : les parties "saines" sont conservées, mais les autres sont reconstruites. Au passage, le projet gagne en hauteur, à travers une surélévation en structure bois.
Ce sera finalement le seul lot remporté par Novaxia, qui s'était qualifié sur trois sites. Avec les studios Ory, le promoteur projette un nouveau type d'auberge, censé "casser les barrières entre parisiens et touristes" : le rooftop est spécialement conçu pour accueillir à la fois les voyageurs de passage et les habitants du quartier. Dans les 1 800 m² de bâtiment, 142 lits doivent être créés aux cotés d'espaces alternatifs et modulables au fil de la journée : le même lieux sera ouvert au coworking la journée, au fooding à l'heure des repas, et aux répétitions de groupes de musique en fonction des jours.
L'offre lauréate de Philippe Chiamberetta pour Eurosic fait partie des quelques bâtiments en structure bois nés de Réinventer Paris - une structure vouée d'ailleurs à "se prolonger hors du bâtiment". L'innovation environnementale est loin de s'arrêter là, puisque grâce au potager sur le toit, et grâce aux pieds de houblon qui pousseront sur la façade, l'immeuble est pensé pour produire, transformer, cuisiner et vendre dans un même lieu ses produits - tout en valorisant les déchets. Dernière touche verte de l'écoquartier Clichy-Batignolles, Stream Building n'en reste pas moins un immeuble à dominante de bureaux... Un immeuble de bureaux, oui, mais "du futur" : les porteurs de projet promettent de s'ouvrir à "la nouvelle génération de travailleurs mobiles", via des bureaux hyper-connectés.
Un "incubateur à chorégraphes" va venir remplacer le 205 avenue Gambetta : des locaux inoccupés depuis 20 ans, et "étudiés depuis très longtemps par la mairie du 20ème arrondissement", décrit Jean-Louis Missika. Le garage vétuste, sis sur une parcelle de 700 places, laissera place à 3 178 m² SHON d'un bâtiment neuf conçu par l'Atelier Secousses avec Fabre - Speller. Au programme, de la formation aux arts vivants, des ateliers, mais également un programme de reconversion des anciens danseurs.
Le projet, baptisé "Tranches de vie", amène d'abord des fonctions nécessaires. L'habitat se mêlera à une crèche de 40 berceaux. Mais le bâtiment métallique industriel amène l'opportunité d'y adjoindre de l'agriculture urbaine - hélas hors-sol - et des locaux mutualisés. Le pari était d'insérer le tout sur une étroite bande de terrain de 1 800 m², dégageant une constructibilité de 2 450 m² SP, sous une hauteur maximale de 31 mètres.