A l'usage unique de
Pour la Cheffe du Service Organisations Urbaines, de l'ADEME, il faut se focaliser sur les actions réellement transformatrices et à bénéfices multiples. "Il est encore possible de llimiter le réchauffement", mais "il convient de ne pas dissocier la mobilisation sur l’adaptation, de celle sur l’atténuation des effets du changement climatique".
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Cadre de Ville - "L'enjeu climatique demande une adaptation des villes et de leur aménagement", vient de déclarer le ministre du Logement et de la Ville, Julien Denormandie. Pour l'ADEME, quelles sont les priorités ?
Daniela Sanna - Le récent rapport sur l’adaptation réalisé en mai dernier pour la délégation sénatoriale à la prospective est clair : l’urgence est déclarée, l’avenir climatique de la France est en partie déjà écrit et on doit se préparer à faire face à une aggravation significative des divers impacts du réchauffement déjà observés : épisodes caniculaires plus fréquents, hausse du niveau de la mer et augmentation de la vulnérabilité de certains territoires.
Face à ce constat, tous les territoires sont concernés, ville comme campagne, littoral comme montagne, et, pour l’ADEME, la priorité reste de ne pas dissocier la mobilisation sur l’adaptation de celle sur l’atténuation des effets du changement climatique.
Il est encore possible de limiter le réchauffement à +1,5°C, mais cela implique des transformations radicales, immédiates et mondiales. Il faut se focaliser sur les actions réellement transformatrices et à bénéfices multiples.
De ce point de vue, l’action sur l’aménagement des territoires doit évoluer, en limitant les approches en silo et en agissant de manière intégrée pour faire de nos territoires et de nos villes des espaces sobres et résilients. Cela implique par exemple de traiter de manière conjointe changement climatique, artificialisation des sols, perte de la biodiversité…
En France, 80% de la population vit en zone urbaine. Pour l’ADEME, il est à la fois nécessaire et possible de changer radicalement l’empreinte carbone de nos villes, en agissant sur trois grands leviers d’action :
• Une plus grande sobriété du cadre bâti et des formes urbaines avec des modèles d’aménagement urbain plus circulaires, une meilleure efficacité des systèmes énergétiques tous vecteurs confondus et une mix énergétique intégrant une part prépondérant d’énergies renouvelables.
• Une réintégration de la biodiversité et de la nature en ville (désartificialisation, renaturation, rétention de l’eau…) pour que nos villes soient plus résilientes, vivables, désirables et répondant à une demande sociale forte sur ce sujet comme le montrent tous les sondages.
• Une planification urbaine ambitieuse et articulée aux différentes échelles, du projet urbain aux documents réglementaires comme PLUi et SCoT et PCAET, qui demandent une plus forte coordination de l’action politique.
CdV - Quelles actions nouvelles l'ADEME va-t-elle mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs ?
D. S. - Je citerai trois actions, parmi beaucoup d'autres, car il s’agit pour l’ADEME de prendre en compte l’adaptation au changement climatique de manière interdisciplinaire et intersectorielle; et au travers de ses différents modes opératoires : recherche et innovation, expertise, expérimentation, massification et territorialisation, et de passer à l’action directe avec nos différentes cibles, via notamment nos directions régionales.
L'approche doit être double : d’une part, une approche par trajectoire, déduite des temporalités du changement climatique ; d’autre part, une approche spatialisée, portée aux différentes échelles de l’aménagement opérationnel, du projet urbain et de la planification territoriale.
La spécificité de l’ADEME est de pouvoir traiter l’adaptation dans l’ensemble de ses domaines : urbanisme, agriculture, bâtiment, mobilité, mais aussi économie circulaire, énergie… dans une approche territoriale intégrée qui couvre les territoires urbains, périurbains, ruraux, de l’amont à l’aval.
Pour appuyer l'action sur la R&D, l'ADEME vient de choisir les 6 lauréats de la 4e édition de l'appel à projets de recherche MODEVAL-URBA. Associant les collectivités, il comporte notamment un axe sur l'atténuation de la surchauffe urbaine par les solutions basées sur la nature, vers des villes résilientes. Les projets porteront, d’une part, sur les freins et leviers qu’ils soient d’ordre technique, urbanistique, économique, social et, d’autre part, sur les dispositifs de diagnostic, de modélisation, d’aide à la décision.
Pour aider à la décision, l'ADEME a publié fin 2018, outre un cahier technique Energie-climat de l’AEU2, un ouvrage "Aménager avec la nature en ville ", centré sur les effets de la nature en ville. Il apporte des éléments de compréhension documentés et étayés par des chiffres, notamment des concurrences et synergies entre phénomènes. Il s'organise en partant de 14 idées reçues sur la biodiversité, la qualité de l'air, la qualité des sols, l'ambiance sonore, la gestion de l'eau, le confort thermique, la concentration en gaz à effet de serre, l'alimentation, l'attractivité des espaces urbanisés et l'approche économique.
Enfin, côté formation et montée en compétences des acteurs de la fabrique de la ville, l'ADEME a mis en place le nouveau MOOC Villes et territoires durables, qui vient de clôturer sa première session, avec presque 6 000 inscrits et une large importance donnée à l’adaptation au changement climatique et à des sujets émergents sur l’innovation urbaine…
Tout ceci sans oublier de renforcer les analyses prospectives, car on est dans le temps long, et les outils d’évaluation !
CdV - Le thème des Entretiens du Cadre de Ville 2019, que soutient l'ADEME est "s'adapter au changement : quelles pratiques pour la ville de demain ?" et ils seront couplés avec la rencontre nationale des EcoCités. Qu'en attendez-vous ?
D. S. - Les EcoCités sont un formidable vivier d’innovation en matière de ville durable. Ce couplage cette année devra permettre un essaimage réciproque permettant de montrer que des solutions existent et que, même s’il reste du chemin à parcourir, les acteurs de l’aménagement ont entamé une véritable appropriation de ces sujets dans leurs métiers et organisations.
Propos recueillis le 19 juillet par Rémi Cambau