A l'usage unique de
"Trois enjeux sont prioritaires pour les politiques d’aménagement urbain : la résilience climatique, la sobriété dans la consommation des ressources, ainsi que l’urbanisme concerté, de la ville du quotidien." Après dix ans d’expérimentation, le temps est à la généralisation, explique le directeur de l’aménagement durable au sein de la DGALN/DHUP, sous la double tutelle des ministères de la Transition écologique et solidaire et de la Cohésion des territoires. L’Etat veut pour cela s’appuyer sur la diversité des acteurs de la ville et leurs réseaux. Les 8e Rencontres EcoCités sont ainsi couplées avec les Entretiens du Cadre de ville, les 14 et 15 octobre. Jean-Baptiste Butlen parcourt le panorama des modes d’intervention de l’Etat, et présente ses attentes nouvelles.
Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur de l'aménagement durable à la DGALN / DHUP aux ministères de la Transition écologique et solidaire et ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Propos recueillis le 11 septembre 2019 par Rémi Cambau
Les épisodes caniculaires de l'été ont démontré, s'il en était besoin, la nécessité d'accélérer l'adaptation des villes au changement climatique. Quelles sont les pistes d'actions concrètes sur lesquelles travaille le ministère dans le domaine de la ville ?
La réalité du changement climatique ne fait pas débat. Ces dernières années, notre pays a été confronté à des crues exceptionnelles, à des ouragans dévastateurs, à des épisodes de canicule intense.
La COP21 et l’accord de Paris ont marqué un tournant dans cette prise de conscience collective. La communauté internationale a rappelé que le temps n’est plus au diagnostic mais aux solutions concrètes. Dans cette mobilisation, l’engagement des villes est essentiel pour atténuer et s’adapter au dérèglement climatique. D’ici à 2050, la population des villes devrait représenter 70 % de la population mondiale, concentrant beaucoup des défis de la transition écologique.
Vous m'interrogez sur l'adaptation des villes au changement climatique. Je n'aborderai donc pas les politiques d'atténuation, pourtant essentielles : les villes représentent en effet les deux tiers de la consommation mondiale d'énergie, et émettent 80% du CO2. Le défi de la sobriété énergétique est donc majeur.
Les compétences d’aménagement et d’urbanisme sont aujourd’hui largement décentralisées : les collectivités sont donc en première ligne. Le rôle de l’État est de fédérer et d’animer les réseaux d’acteurs, d’accompagner les projets de territoires, mais aussi de créer un écosystème favorable à l’émergence de nouvelles solutions en réponse aux défis de demain, au rang desquels l’adaptation au changement climatique.
Quels acteurs l’Etat fédère-t-il ?
L’Etat anime des communautés d’acteurs, très complémentaires du réseau "Cadre de Ville", le Réseau National des Aménageurs (RNA), le réseau des 30 ÉcoCités, et celui des quelque 600 ÉcoQuartiers.
Ces communautés inventent de nouvelles façons de concevoir, fabriquer et gérer la ville de demain, et capitalisent leurs expériences sur des plateforme en ligne comme le portail France ville durable, l'explorateur EcoCités, ou la plateforme "ÉcoQuartier".
Comment se traduit l’aide aux territoires ?
L’Etat accompagne prioritairement les territoires les plus fragiles, en particulier les territoires ruraux ou ultra-marins, mais également les secteurs les plus vulnérables. Ainsi, si tous les territoires sont concernés par le changement climatique, certains sont plus exposés que les autres, en particulier.
La direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) a notamment déployé le programme des "Ateliers des territoires". Avec les ateliers, l’Etat offre aux collectivités du "cousu-main", en mobilisant une équipe pluridisciplinaire pour aider à l’émergence de leurs projets de territoires. En 2019, parmi les lauréats, les sites de Sète agglopôle Méditerranée, et de Perpignan Métropole ont, par exemple, proposé une candidature portant sur la recomposition territoriale en réponse à l’érosion du trait de côte et aux risques de submersion.
Le ministère a également répondu favorablement à la candidature de la collectivité de Saint-Martin, qui élabore son Plan d'Aménagement Durable visant notamment à conforter la résilience du territoire après le passage de l'ouragan Irma. Le préfet de l’Aude nous a également sollicités pour un atelier "à la carte" après les inondations…
Est-ce que des leviers peuvent être trouvés dans la réforme en cours des documents d’urbanisme ?
Trois ordonnances doivent en effet être prises en application de la loi ELAN portant une réforme des SCoT, la révision de la hiérarchie des normes ainsi que la modernisation des schémas d’aménagement régionaux, les SAR, en outre-mer. Les consultations sont en cours via la plateforme "planifions ensemble".
La troisième dimension du rôle de l’Etat, dites-vous, est de stimuler l’innovation et de l’accompagner. Qu’entendez-vous par là ?
Innover, c’est expérimenter et déployer de nouvelles solutions en réponse aux défis de demain. Nous explorons tous les champs de l’innovation urbaine : des solutions techniques bien sûr, mais aussi des innovations organisationnelles, à travers, par exemple, de nouvelles formes de coopérations public-public ou public-privé, des innovations d’usage comme l’urbanisme temporaire, des innovations sociétales comme le recours au nudge ou au gaming, voire l’innovation dans les montages financiers, comme les expérimentations de crowdfunding.
Telle est l’approche du plan d’investissement d’avenir, et de son programme Ville de demain. Grâce à une enveloppe de 665 millions d’euros du PIA 1 et 2, le ministère a soutenu 450 actions innovantes. [Le bilan en sera tiré lors de la 8e Rencontre EcoCités le 14 octobre à la CCI de Paris Ile-de-France - NDLR].
L’Anru a également piloté le programme Ville durable et solidaire (VDS), puis Anru+ dans les quartiers prioritaires de la Ville. Enfin, le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé vendredi 13 septembre 2019 le 24 lauréats du programme "territoires d’innovation", avec une enveloppe de 450 millions d’euros. La DHUP a été mobilisée pour l’instruction de ces dossiers aux côtés du SGPI et de la Banque des territoires, avec des candidatures intéressantes en faveur l’adaptation au changement climatique.
"Innover, c'est expérimenter puis déployer de nouvelles solutions pour répondre aux défis de demain. Nous explorons tous les champs de l'innovation urbaine"
Prenons quelques exemples concrets. En réponse aux canicules, plusieurs expérimentations ont été développées pour lutter contre les "îlots de chaleurs urbains" par le développement de la végétalisation, la présence d’eau, la couleur des matériaux, voire la conception des bâtiments et des formes urbaines favorisant la circulation des masses d’air; etc. Des solutions techniques innovantes ont ainsi été testées : les pavés rafraîchissants à Toulouse, la conception bioclimatique des bâtiments avec le CSTB, des boucles de rafraîchissement par eau de mer développées par l’établissement public d’aménagement Euromed à Marseille…
S’agissant de la prévention des risques inondations et des submersions, nous suivons des expérimentations d’urbanisme temporaire en Occitanie, un "permis d’innover" sur le secteur inondable, ou la plateforme "Ville en alerte" développée par Montpellier pour améliorer la prévision des crues et l’alerte.
Cette 4ème édition des Entretiens du Cadre de Ville est organisée conjointement à la 8ème rencontre nationale des EcoCités. Quelle est pour vous la valeur ajoutée de la conjonction de ces deux événements ?
La démarche "Ecocité" célèbre son dixième anniversaire cette année. Les solutions expérimentées gagnent aujourd’hui à être partagées et généralisées. L’ouverture à d’autres réseaux des acteurs de la Ville est donc une évidence ! L’intérêt de nous adosser à la locomotive des Entretiens du Cadre de Ville, c’est bien de démultiplier les échanges et la diffusion des solutions.
La 8e Rencontre EcoCités intervient dans le cadre des 10 ans du plan Ville durable. Quel sont les premiers éléments du bilan de ce plan lancé en 2009 dans le cadre du Grenelle de l'Environnement ? Quelles perspectives pour la suite ?
Le Plan Ville Durable, lancé dans le cadre du Grenelle de l’Environnement en 2009, a initié les démarche Ecoquartier, mais aussi Nature en Ville, et les appels à projets pour des transports collectifs en sites propres (TCSP).
Au-delà des chiffres (près de 600 Ecoquartiers labellisés, 30 territoires d’Écocités, 450 actions innovantes financées etc), le ministère a souhaité lancer des évaluations en 2019 pour tirer les enseignements de 10 ans de politique publique. Une mission a été confiée à Alain Jund, adjoint au maire de Strasbourg et président de la commission nationale ÉcoQuartier, dont les conclusions sont attendues pour la fin de l’année. De même, le programme "Ville de Demain" du PIA est en cours d’évaluation sous l’égide du SGPI. Une consultation citoyenne en ligne a aussi été menée sur "les villes et territoires de demain" avec 1500 participants, 115 000 visites du site, et 30 propositions citoyennes. Une bande dessinée a même été élaborée avec quelques-unes des "utopies urbaines".
Tout au long du second semestre 2019, des événements permettent de célébrer cet anniversaire, et de partager les enjeux de la ville de demain. Les 14 et 15 octobre constituent l’un de ces temps forts, de même que les "rencontres des acteurs publics du foncier" le 23 septembre, la plénière du "Réseau National des Aménageurs" sur les questions de sobriété le 21 novembre, la remise des labels ÉcoQuartier les 11 et 12 décembre, et la remise du Grand Prix de l’urbanisme à Patrick Bouchain, le 17 décembre.
Sans présager du résultat de ces concertations, le ministère identifie d’ores et déjà trois enjeux prioritaires pour les politiques d’aménagement urbain : la "résilience climatique", la "sobriété dans la consommation des ressources" avec notamment la prise en compte de l’objectif de "zéro artificialisation nette" formulé dans le Plan Biodiversité du gouvernement, ainsi que le "vivre ensemble" avec des propositions en faveur de l’urbanisme concerté, de la "ville du quotidien" et de la ville "servicielle".
LES ENTRETIENS DU CADRE DE VILLE ET LA RENCONTRE ECOCITES LES 14 ET 15 OCTOBRE > Les Entretiens du Cadre de Ville le 15 Octobre 2019 : s'adapter au changement Une rencontre entre acteurs publics et privés de l'aménagement, du foncier et des territoires, autour de 36 projets urbains illustrant 12 thématiques et interrogations d'actualité sur la Ville de Demain. Douze thématiques, trois cas pratiques pour chacune : ça déménage dans l'aménagement, une nouvelle gouvernance partagée des opérations, logement abordable et foncier, le foncier au carrefour des valeurs, foncier invisible et usages mutualisés, stratégies de reconquête du foncier commercial, la ville résiliente gère l'eau et l'air, urbanisme agro-écologique et alimentation, la ville existante comme ressource...
> Les Entretiens du Cadre de Ville 2019 - Rencontre Nationale des EcoCités Les Entretiens du Cadre de Ville 2019 accueillent la 8ème réunion nationale des EcoCités qui se déroulera le 14 Octobre 2019 à la CCI Paris Ile-de-France. |