Stéphane Keïta, président-directeur général de la Scet, revient sur l'enjeu d'une évaluation en amont de l'impact des projets d'aménagement, et sur l'enjeu central qu'est aujourd'hui la mobilité.
Table ronde : "Foncier, Climat, Aménagement" : les mesures portées par le ministère de la Transition écologique
Après les travaux sur la sobriété foncière et la lutte contre l'artificialisation des sols, le conseil de défense écologique a annoncé de premières mesures fin juillet avec plusieurs chantiers à la rentrée dans le cadre du plan de relance, dans le cadre du projet de loi "convention citoyenne sur le climat", dans le cadre du projet de loi "3D", et dans le cadre du projet de loi de Finances avec des ajustements de la fiscalité de l'aménagement.
En début d'après-midi, à 14h30 le directeur général de la Solidéo, Nicolas Ferrand, présentera une key-note d'une demi-heure : "Village olympique 2024, vers la ville sobre et résiliente, un concentré d'innovations urbaines. Quelle méthodo ? Où en est-on ?"
A 15 h, Focus n°3 - Friches de demain : comment maintenir / réimplanter de l'activité ?
Propos recueillis par Rémi Cambau
Les Entretiens du Cadre de Ville 2020 proposent, le 8 octobre, 36 projets urbains pionniers de la transition écologique. Quelle est votre approche de cette question ?
La transition écologique est un sujet à entrées multiples, qui oblige à procéder dès l'amont à l’évaluation de l’impact socio-économique des projets d'aménagement et de territoire. Compte tenu de la contraction des budgets et du haut niveau d’attente et d'exigence de l'opinion en termes d'action publique, cette démarche d’évaluation va devoir mieux se structurer pour éviter, d’un côté la décision hâtive, qui néglige les intérêts de long terme des populations et de l’environnement et, de l’autre, l’enlisement dans des procédures décennales et des batailles dont l’intérêt public sort toujours cabossé, comme à Europa City ou Notre-Dame des Landes.
Ainsi, une commission d'experts placée sous la direction de Sabine Baïetto-Beysson et à laquelle la Scet est associée, travaille actuellement sur une modélisation de l'évaluation socio-économique de l’impact des projets d'aménagement. Nous avions déjà conçu un outil pour les EPL et autres aménageurs permettant d'évaluer dans un premier temps les retombées fiscales, à partir de l'alimentation en données et composantes des projets. Avec cet impératif d’évaluation ex-ante des retombées socio-économiques des projets, se manifeste aussi le souci de remettre le diagnostic du besoin des populations en tête de liste des projets de territoire, et non plus comme une variable d’ajustement, une fois que les questions normatives, réglementaires, techniques et financières auraient été résolues. Incidemment, cette pression sur la phase diagnostique va aussi certainement accentuer à la fois le recours à l’enquête qualitative de terrain et au traitement massif de données.
Et les risques concernant la santé ?
Je fais partie de ceux qui pensent que l’histoire de l'urbanisme se confond partiellement avec celle de la santé, l'hygiène, la lutte contre les épidémies, la ventilation des villes, les réseaux d'évacuation des rejets urbains. On voit d’ailleurs les risques et les limites de la métropolisation de la croissance quand ce n’est pas le cas : relisez le manifeste "Les métropoles barbares" de Guillaume Faburel, auquel la crise sanitaire mondiale redonne une certaine actualité.
Quelle place occupe la Scet dans ce paysage ?
La Scet assure et assume modestement sa mue en cabinet de conseil stratégique et opérationnel aux acteurs publics dans les territoires. Elle se positionne en assistant au management de projet, en mettant à disposition des collectivités le conseil et l’expertise nécessaires pour piloter leurs projets. Sur le thème de la transition écologique, nous accompagnons par exemple Dijon dans sa candidature "Capitale verte européenne 2022" ou la Nouvelle-Calédonie dans sa démarche "Territoires d'industrie de grande ambition" (Tiga) sur le Parc de la Mer de Corail.
Depuis 2018, notre raison d'être s'articule autour de deux marqueurs fondamentaux : la défense et la promotion du bien public, mais aussi l’inclusion systématique des exigences du développement durable dans les projets. Aujourd'hui, les porteurs de projets avec lesquels la Scet travaille s’impliquent aussi dans cette démarche.
Par ailleurs, en tant que filiale de la Banque des territoires, notre société est engagée en appui de tous les grands programmes de politique publique visant à la lutte contre les fractures territoriales.
Non seulement nous intervenons dans le cadre des programmes Action Cœur de ville, Territoires d'industrie, Territoires d'innovation, mais nous avons aussi configuré et prototypé le programme Petites villes de demain annoncé par le Premier ministre en 2019 et destiné à soutenir la revitalisation des petites centralités. Il devrait bientôt être mis en œuvre.
Quelle est la question urbaine dominante aujourd'hui, selon vous ?
Sans doute la question du traitement des mobilités. L'aptitude à être mobile est vitale pour la société humaine. Tous les aspects de la vie sont impactés par la conception qu'on se fait de la mobilité et par l'évolution des moyens de déplacement. Dans toutes les crises à l'œuvre actuellement, c’est un sujet qui apparaît constamment. C’est une combinaison de facteurs entre les transitions énergétique, écologique, numérique et démographique. C’est aussi un sujet politique, comme celui de la maîtrise de l’espace public.
Récemment, en France, à chaque secousse, on croise le thème de la mobilité comme déclencheur ou facteur structurant : les bonnets rouges contre les portiques ; les gilets jaunes contre la taxation du carburant ; le très long mouvement social à la SNCF et la RATP de l’hiver 2019 concernait deux outils majeurs de la mobilité ; enfin, le bilan de la paralysie consécutive au confinement a illustré, si besoin en était, l’importance des problématiques de mobilité (transports en commun, automobiles, vélo, trains, avions…), notamment pour l’économie, mais aussi les besoins socio-culturels. D’ailleurs, à la base, c’est bien la mobilité qui permet l’éclosion d’un phénomène pandémique et l’on voit les dégâts causés par l’immobilité comme réponse.
Depuis, on revisite presque toute l’activité humaine à l’aune du paradigme vital de la mobilité.
C’est pourquoi, une des clefs de compréhension des conséquences de la crise se trouve, me semble-t-il, dans l’analyse approfondie de cet enjeu. Ce n’est pas le seul, mais il est déterminant. La crise sanitaire va accélérer les interrogations et la recherche de solutions sur la transition alimentaire, l’approvisionnement, le tourisme de masse, les actions collectives comme le sport, la culture, la politique… elle va aussi provoquer un plus grand engouement pour le local et la proximité … que de grands et lourds défis.