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25 juillet 2021

Alliance HQE-GBC : "Il y a une prise de conscience de ce qu'est l'économie circulaire et de la plus-value que cela peut représenter pour un territoire"

L'Alliance fêtera ses 25 ans le 21 octobre prochain, à Lyon. Avant cela, elle sera présente à la 6e édition des Entretiens du Cadre de Ville le 5 octobre à Paris, des Entretiens dont est partenaire l'association. Entretien avec sa directrice, Estelle Reveillard, qui évoque les chantiers principaux : base Inies avec un nouveau baromètre tout juste publié, pour apporter des données de référence à l'analyse du cycle de vie comprise dans la RE2020 à venir, travail sur le label RE2020, mais aussi d'autres expérimentations et recherches sur la rénovation des bâtiments, les économies d'énergie et de carbone à l'échelle du quartier, ainsi que la résilience.

ESTELLE REVEILLARD DIRECTRICE HQE-GBC France.JPG

L'Alliance HQE-GBC est partenaire des Entretiens du Cadre de Ville qui se tiendront le 5 octobre prochain et auront pour thèmes les transitions et la manière dont les acteurs passent à l'action. L'Alliance poursuit son travail mais va faire évoluer sa gouvernance.
En effet, nous avons eu une assemblée générale extraordinaire en mars pour faire valider auprès de nos membres un projet de nouveaux statuts - notre association est reconnue d'utilité publique, ce qui nécessite des statuts spécifiques. Ce travail avait commencé il y a deux ou trois ans quand le réseau GBC France et l'association HQE ont fusionné - le projet de statuts n'avait alors pas été accepté par les pouvoirs publics. Nous avons retravaillé dessus et surtout nous en avons profité pour nous poser la question des territoires, avec lesquels l'Alliance doit avoir un dialogue permanent. Dans le projet de statuts présentés en mars dernier, est donc créé un collège dédié aux associations de collectivités territoriales, avec deux sièges au conseil d'administration, l'un pouvant représenter l'aménagement en ville, l'autre plutôt les zones rurales qui peuvent être les grandes oubliées des projets d'aménagement alors qu'on parle de plus en plus de ZAN - il y a un vrai sujet sur l'occupation des sols et la manière dont on aménage le territoire. S'il y a deux sièges au conseil d'administration, cela ne veut d'ailleurs pas dire qu'on n'accueillera pas d'autres associations de collectivités territoriales parmi nos membres. Maintenant, nous attendons un retour sur les statuts par le ministère de l'Intérieur et le Conseil d'Etat.
Au-delà des statuts, ouvrir les portes aux territoires fait partie de la feuille de route de notre nouvelle présidente, Marjolaine Meynier-Millefert, qui a été élue en mars dernier.

Marjolaine Meynier-Millefert, qui est par ailleurs députée, viendra aux Entretiens du Cadre de Ville nous parler de la mesure de l’impact carbone à l’échelle du quartier. Quels sont les autres grands axes de sa feuille de route, qui a été détaillée lors d'une autre assemblée générale, en juin ?
Marjolaine Meynier-Millefert s'est arrêtée sur la recherche d'un équilibre, avec une vraie représentativité au sein d'Alliance HQE-GBC, qui est un espace de dialogue, de concertation et d'innovation collaborative entre tous les acteurs qui font le bâtiment et l'aménagement du territoire. Nous pouvons donc aussi être amenés à accueillir davantage de filières de matériaux par exemple. Nous venons d'ailleurs d'accueillir l'UICB, l'Union des industriels et constructeurs bois et biosourcés. Nous avions déjà parmi nos membres l'AIMCC, l'Association des industries de matériaux, produits, composants et équipements pour la construction.

Nous voulons également ouvrir l'Alliance en mettant en place un comité scientifique, qui permettrait de créer du débat scientifique en son sein et de définir des orientations sur des sujets qui concernent la transition environnementale. Ce conseil réunira des scientifiques qui adorent les calculs mais nous pourrions imaginer qu'y soit aussi présent un philosophe, un sociologue, un urbaniste, ou un architecte... Nous voulons arriver à formaliser les choses d'ici la fin de l'année.

Marjolaine Meynier-Millefert souhaite encore accentuer le rôle de sensibilisation de l'Alliance HQE-GBC, faire de l'essaimage de bonnes pratiques, peut-être notamment en s'appuyant sur des réseaux d'école, pour créer des réflexes sur la manière dont on doit bien construire un bâtiment ou un quartier. Nous sommes toujours dans une recherche d'équilibre et de vision globale.

> Lire notre article de septembre 2020 : "L'Alliance HQE-GBC veut généraliser l'approche par quartiers durables"

L'actualité de l'Alliance HQE-GBC, c'est aussi la base Inies, qui sert pour la réalisation des analyses de cycle de vie (ACV) des bâtiments dans le cadre de la RE2020 prévue pour entrer en vigueur début 2022. La base que vous chapeautez enregistre cette année encore une augmentation du nombre de données, données qui sont nécessaires à l'évaluation de la performance environnementale des ouvrages. C'est un vrai enjeu parce que le manque, dans la base Inies, de FDES (Fiches de déclaration environnementale et sanitaire, les documents normalisés présentant les résultats de l’ACV d’un produit) et de PEP (Profil environnemental produit, permettant de fournir les règles communes à appliquer pour la réalisation d'ACV des produits électriques, électroniques et de génie climatique) contraint les maîtres d’ouvrage à utiliser des données environnementales par défaut (DED) afin de pouvoir réaliser entièrement leur ACV bâtiment.
A l'Alliance HQE-GBC, nous avons participé via nos adhérents et nos groupes de travail à des groupes de concertation RE2020, mais surtout, nous accompagnons la règlementation avec nos travaux portés sur la base Inies, en encourageant à la production de données environnementales. Nous avions lancé un premier appel à projets l'an dernier, "Fais ta FDSE !, Fais ton PEP !", avec le soutien de l'Ademe, appel à projets que nous avons clôturé, et nous avons lancé un second accompagnement, toujours avec la même optique : inciter les fabricants et industriels, organisations professionnelles, à produire des fiches de déclaration environnementale et sanitaire collectives. Plus nous avons de données, plus nous réalisons des analyses de cycle de vie les plus justes possibles. Les données environnementales par défaut (DED) ne correspondent pas à la réalité de produits, de matériaux. Il vaut quand même mieux que ces données soient produites par ceux qui fabriquent, même si in fine nous retenons une donnée collective qui concernera une famille de produits qui se rapprochera néanmoins de la réalité.

Avec l'arrivée de la RE2020, nous faisons de l'acculturation au changement de paradigme : il faut que tout le monde s'y mette, que les industriels et fabricants fournissent ces éléments de preuves. On est dans un work in progress, certains produisent ces données depuis longtemps, d'autres s'y sont mis avec l'appel à projets, d'autres encore produisaient déjà des données mais ont profité de cet accompagnement pour mettre à jour ces données.

L'Alliance HQE-GBC est propriétaire et gestionnaire de la base Inies. Elle vient de publier le baromètre 2021 qui présente l’évolution de la base de données. Au 31 mai 2021, la base compte un total de 4 208 données, soit 16% de plus par rapport au baromètre 2020.

Le Plan Bâtiment durable a ouvert ce printemps la première étape de la concertation pour la mise en place d'un label accompagnant la RE2020. Ce label doit permettre de valoriser les bâtiments qui anticiperont les étapes de la RE2020, c’est-à-dire ceux qui prennent de l’avance sur la courbe d’apprentissage fixée par la réglementation, et de prendre en compte des thèmes et critères nouveaux pris en compte dans la réglementation...
Il doit soutenir l’innovation et l’exemplarité des acteurs les plus ambitieux afin de tracer la voie vers les bâtiments d’après-demain, permettre aux acteurs d'expérimenter les champs de l'économie circulaire ou de la qualité de l'air intérieur. L'Alliance HQE-GBC a énormément travaillé avec Effinergie et le collectif des démarches quartiers et bâtiments durables dans le cadre de la concertation publique en avril-mai 2021 (une concertation menée par le Plan Bâtiment durable) - nous avons fait une réponse collective qui a été plutôt bien accueillie et qui pourrait nous amener à développer des actions communes concrètes. Ces travaux en commun ont d'ailleurs donné lieu à la création d'un groupement d'intérêt écologique pour proposer un langage commun adossé à ce label RE2020 pour les acteurs des territoires.

Au-delà de ce label, comment évolue le traitement de l'ACV des bâtiments ? Et celui à l'échelle du quartier ?
Sur l'ACV des bâtiments, l'Alliance HQE-GBC a commencé à proposer des seuils en 2010-2011. Ce sont ces seuils qui ont permis l'expérimentation E+C- : les pouvoirs publics se sont basés dessus. Dix ans après, la règlementation environnementale va arriver, et celle-ci met l'ACV du bâtiment en son cœur. La base Inies prend donc une toute autre importance, elle devient essentielle. Notre approche est de dire qu'il est important de s'intéresser à l'indicateur changement climatique et de regarder ce qu'il se passe sur le volet carbone, mais qu'il faut plutôt une approche multicritères et globale, sur toutes les phases de vie et sur différents indicateurs, pour envisager un impact environnemental global et un bâtiment durable, qui comprend aussi la qualité de l'air intérieur et l'économie circulaire. Cela viendra mais plus tard, dans une réglementation à venir, sans doute.

En tout cas, le cadre de référence du bâtiment durable de l'Alliance HQE-GBC s'appuie sur quatre piliers déclinés en douze objectifs [dont deux sont calés sur E+C- pour les thèmes de l'énergie et du carbone] : qualité de vie, respect de l'environnement, performance économique et management responsable. On pense que c'est l'équilibre entre ces quatre engagements qui fait qu'HQE est HQE pour tous et est environnemental. Parmi nos adhérents, nous avons les certificateurs, Cerqual, pour le résidentiel, et Certivéa pour le tertiaire et les opérations d'aménagement, qui sont le véhicule d'HQE. Ils travaillent actuellement à la mise à jour de leurs référentiels pour prendre en compte les exigences de la règlementation environnementale.

Par ailleurs, la certification HQE (Haute qualité environnementale) poursuit son développement à l'international, en particulier en Europe. Cerqual et Certivéa y proposent désormais leur offre de services sur la base du travail de Cerway, leur filiale commune, dont ils réintègrent les activités au sein de chaque organisation. Les uns et les autres auront une stratégie mieux définie en septembre-octobre prochains.

Un mot du projet de recherche Quartier Energie Carbone engagé en 2018 par un consortium fédérant l'Ademe, le CSTB, Elioth, l'Alliance HQE-GBC, Efficacity, Effinergie, Certivéa, l'association BBCA, Atlantech et le ministère de la Transition écologique. Le projet a pour objectif d'élargir la réflexion du bâtiment à énergie positive et réduction carbone à l'échelle du quartier. L'objectif est d'accompagner les acteurs de l'aménagement opérationnel vers la généralisation de bonnes pratiques de réduction de consommation d'énergie et d'émissions de gaz à effet de serre pour s'inscrire dans une démarche à faible impact carbone. Le projet a permis d'aboutir à une définition de la méthode d'évaluation Quartier Energie Carbone mise en œuvre avec l'outil Urban Print codéveloppé par le CSTB et Efficacity. 8 premiers projets pilotes sont en phase test.
La méthode doit être finalisée au dernier trimestre 2021. Nous travaillons aussi à un livrable avec les acteurs impliqués au début du dernier trimestre.
Au niveau de l'Alliance, nous avions aussi mis au point un test HQE Performance quartier et nous travaillons sur des fiches qui sortiront elles aussi à la fin du troisième trimestre ou au début du 4e trimestre, et qui seront le livrable de cette expérimentation. L'idée est de fournir des outils relativement simples pour la maîtrise d'ouvrage publique pour qu'elle ait des idées d'indicateurs à l'échelle du quartier.
Nous avions réalisé l'an dernier une actualisation du guide de la démarche HQE Aménagement de 2010. Nous avons par ailleurs ouvert en fin d'année dernière un groupe de travail dédié à la résilience et en octobre, nous aurons une grille de référence pour la résilience, comprenant un indicateur adaptation au changement climatique et un indicateur atténuation.

Pour revenir à l'échelle du bâtiment, vous avez aussi mené une étude à dimension internationale, le NZC Rénovation, qui s'inscrivait dans la suite du test HQE Performance ACV Rénovation lancé par l'Alliance en 2017.
Ce programme, financé par une association, Redevco, nous est arrivé par le World GBC dont nous sommes membre français. Le but : sensibiliser à la rénovation, acculturer les acteurs, leur apporter des leviers pour optimiser une rénovation. Nous avons choisi sept cas d'étude il y a un an, répartis sur l'ensemble du territoire français. Cela va de la friche industrielle, en passant par le pavillon, le collectif résidentiel, la tour de verre de bureaux, l'immeuble haussmannien parisien, du diffus avec une partie d'immeuble à rénover en rez-de-chaussée et de la rénovation en centre-ville en quartier historique. Nous aurons là encore le livrable en octobre.

Notre prisme est la rénovation bas carbone, nous n'abordons pas la dimension économique. Ce qui ressort d'ores et déjà de cerre étude, c'est que nous nous rendons compte de l'importance des lots techniques, le second œuvre, en terme d'empreinte carbone : elle est plus élevée sur de la rénovation puisque nous ne touchons pas au gros œuvre : chauffage, ventilation et  électricité prennent une part plus importante. Dans les leviers intéressants à considérer, il y a aussi la prise en compte du voisinage, le fait de travailler en synergie avec l'environnement direct.

Les acteurs au sens large ont-ils pris conscience des enjeux écologiques, selon vous ?
L'économie circulaire, si on devait prendre un exemple, est un sujet qui intéresse beaucoup. Nous avons une méthode d'analyse des flux de matières qui est vraiment une méthode de calcul de la circularité du bâtiment et qui donnera sûrement un nouveau test HQE économie circulaire - je pense que nous aurons facilement des candidats. Mais au-delà, il y a une prise de conscience de ce qu'est l'économie circulaire et de la plus-value que cela peut représenter pour un territoire. C'est un mouvement de fond qui creuse son sillon et s'ancre vraiment.

Lycée à Nort-sur-Erdre, HQE expérimentation HQE performance économie circulaire par Aia Environnement et la région Pays-de-la-Loire

Lycée Nort sur Erdre.jpg

(> Retrouvez la liste des 23 projets -16 opérations en neuf et 7 en rénovation - qui ont fait l'objet du teste HQE Performance économie circulaire 2019 et la méthode appliquée pour ce lycée spécifiquement)

Propos recueillis par Lucie Romano le 13 juillet 2021