A l'usage unique de
Le chargé des stratégies territoriales à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat détaille l'imbrication des différentes dimensions de la rénovation de la ville existante. Faire grandir l'urbain, explique-t-il, c'est faire grandir l'espace de la rencontre. "La ville est une rencontre, et, pour améliorer son logement, rien de mieux qu'améliorer la ville".
Josslin Théry intervenait lors de la Matinale du Club Ville de Demain, animé par le Centre d'études prospectives et stratégiques. Resituant l'ensemble des dispositifs de l'Anah, il a aussi mis en évidence la dimension urbaine dans laquelle des aides comme "Ma Prim'Rénov" ou les aides en Opah s'inscrivent. Sélection de propos sur la question urbaine, relevées par Rémi Cambau.
Dans le jeu d'acteurs publics et privés, quel est le rôle de l'Etat dans le mouvement de rénovation des villes et du logement ?
La loi Climat et Résilience a posé le cadre d'une artificialisation nette zéro (le ZAN) à l'horizon 2050, qui contraint à stopper l'étalement urbain. Les documents d'urbanisme referment de plus en plus les droits à construire en les resserrant sur les centres,
Mais, dans ces centres et tissus constitués, la loi exclut les passoires énergétiques de la location. Déjà, depuis le 1er janvier 2023, un certain nombre de logements étiquetés G sont sortis du parc potentiellement offert à la location ou à la vente. C'est une injonction de faire les travaux, mais le mouvement de sortie du parc des logements non mis aux normes se produit en pleine crise du logement.
Certes, les propriétaires peuvent vendre avec une forte décote - ce qui pourrait alimenter un marché de la seconde mùain avec des acteurs investisseurs - éventuellement des particuliers, notamment dans les zones éligibles au Denormandie dans l'ancien.
Dans quelle approche de l'aménagement urbain s'inscrit l'Anah pour porter son accompagnement de la rénovation du parc de logements ?
La rénovation des logements se différencie selon les trois grandes typologies de quartiers. Des quartiers à fort potentiel de développement, et de mutation sur eux-mêmes, sont intégrés dans le marché et la réhabilitation y va d'elle-même, car les investissements réalisés peuvent être rentabilisés. L'Anah estime qu'aujourd'hui, un coût de réhabilitation oscille entre 40 000 et 70 000 euros par logement.
Deuxième typologie de quartiers, ceux "à potentiel de marché limité", souvent en frange des villes. Et troisième catégorie, les quartiers en zones détendues : en villes moyennes, en petites villes et dans le monde rural.
L'intervention de l'Anah est avant tout fléchée vers les secteurs urbains à potentiel limité, ou en secteur détendu. La rénovation urbaine y prend un tour particulier.
Les quartiers en frange des villes et à potentiel limité font l'objet d'une intervention massive de l'Agence nationale du renouvellement urbain, l'Anru, avec les bailleurs sociaux. Un travail partenarial permet de conduire localement les projets de cette politique de la ville, pour des actes urbains qui apportent tant une nouvelle urbanité qu'une nouvelle architecture. La nouvelle gestion urbaine doit apporter dans ces quartiers le potentiel qui leur fait défaut. Forme architecturale, qualité de vie dans le logement, services, des commerces, des équipements, de l'activité et de l'emploi.
Une autre agence de l'Etat, l'ANCT, consacre deux programmes aux secteurs détendus, Action coeur de ville et Petites villes de demain. Ces secteurs comptent de nombreux logements vacants car non adaptés : souvent énergivores, ils ne sont pas adaptés au grand âge, et parfois dégradés. De fait, perdant de la population, elles ont connu une fuite de leurs commerces, un défaut d'investissement.
Et, dans les plus petites villes, et dans le monde rural hors des villes, se posent avec acuité les questions des déplacements et des mobilités, là où, la plupart du temps on n'a pas d'autre choix que de prendre sa voiture.
Quels sont les leviers majeurs de la transformation urbaine dans laquelle peut s'inscrire une politique de l'habitat ?
Les agences de l'Etat portent avec les acteurs locaux publics et privés des projets de revitalisation des centres, dans les quatre champs de la ville : l'habitat, les mobilités, les services au sens large, et une action sur le foncier. Certains quartiers nécessitent un remembrement pour ouvrir de nouvelles parcelles à la construction, et réhabiliter avec des acteurs comme Action Logement, mais aussi en donnant une place aux propriétaires bailleurs, avec un dispositif spécifique de défiscalisation.
On trouve ici des bâtiments qui peuvent être à l'état de ruine, mais on peut souvent en faire quelque chose, et les promoteurs privés s'y investissent en acquérant les biens, pas forcément en rasant et reconstruisant - ce qui peut être une solution - mais aussi en restructuration lourde, en produisant du logement neuf dans l'enveloppe ancienne.
Cette action de transformation urbaine paraît un levier indispensable à la revitalisation des villes petites et moyennes. Mais dans les grandes ?
L'action urbaine a un impact évident sur l'habitat. Et notamment la grande question qui se pose est celle de savoir comment faire de la ville actuelle une ville pour tous et au service d'un meilleur logement. Ce qui signifie intervenir sur l'espace public, et en premier lieu pour accélérer la transition énergétique hors des énergies fossiles, en créant des systèmes et des bâtis qui peuvent générer leur propres électricité. Certaines communes se lancent dans des chauffages urbains, des métropoles installent du photovoltaïque sur leurs équipements, ou de la géothermie. Quelle que soit la solution, l'objectif est de ne plus rejeter de CO2, de baisser l'empreinte carbone.
La dérive climatique va entraîner un réchauffement dans certains territoires, qui va s'avérer étouffant dans les villes, et appelle une végétalisation forte - qui, outra les effets de rafraîchissement, peut apporter une amélioration de 7 à 24% de l'absorption des particules fines. L'enjeu de l'aménagement de la ville existante est aussi la santé.
Cette approche d'aménagement va de pair avec la réduction du trafic automobile dans des zones à faible émission, qui laisse place aux transports collectifs et aux véhicules non-polluants. Réduire cette place c'est augmenter la place de l'urbain.
Mais quand on parle de végétalisation, l'un des aspects majeurs va toucher à la maîtrise de la consommation de l'eau - qui profitera par ailleurs à la facture des ménages.
En faisant grandir la place de l'urbain, c'est la place de la rencontre qu'on favorise. Une ville, c'est une rencontre, au pied de son immeuble, dans son immeuble. La ville est une rencontre, et, pour améliorer son logement, rien de mieux qu'améliorer la ville.
A trop se focaliser sur la seule question de l'énergie, ne risque-t-on pas de passer à côté d'autres dimensions ?
L'énergie et la question de la rénovation énergétique masquent beaucoup d'autres aspects de la question, et des enjeux des politiques de rénovation. L'énergie prend à la gorge de nombreux ménages, du fait de l'augmentation de la facture. Enjeu fort, elle est devenue un enjeu majeur.
M%ais, derrière la question de la réduction des énergies fossiles, on trouve tous les réseaux qui encombrent l'urbain, qui étaient conçus pour des modes de vie et de consommation hérités de la période post-crise pétrolière et des années 70.
La question de l'occupation de la ville est posée derrière celle du choix d'un type d'énergie. De ce point de vue, l'adaptation de la ville au développement durable "est une pratique", qui dépasse l'échelle de l'immeuble.
Le CEPS et son club Ville de Demain, présidé par Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine, ont pris l’initiative de matinales et de rencontres, qui associent Cadre de Ville. Le projet a pour vocation de permettre à des maires de villes moyennes, à des experts des questions d'urbanisme et de territoires, d’exprimer leur point de vue, leurs attentes et leurs priorités devant une assistance experte elle-aussi, afin de réfléchir aux solutions d’avenir des territoires français.
Fondé en 1985, le Centre d’Etude et de Prospective Stratégique est une Organisation internationale non-gouvernementale (OING) qui représente 1 000 décideurs de 50 nationalités différentes et qui est à l’intersection de multiples domaines stratégiques. Officiellement reconnu par le Conseil de l’Europe, la Commission Européenne, l’OCDE, l’Unesco et l’OIF, le CEPS dispose de représentations à Abidjan, Alger, Berlin, Beyrouth, Bruxelles, La Haye, Londres, Rome, Washington.