A l'usage unique de
C'est le seul domaine dans lequel il concède que l'investissement doit regarder à l'horizon de 100 ou 200 ans. Pour le maire de Cannes, "on n'investit pas pour 10 ou 20 ans dans l'urbanisme". Le maire, "libéral" revendiqué, s'affirme dans un rôle de maire "praticien', "médecin", garant de la couture du tissu social. L'unité de la société civile s'obtient au prix d'un mélange de liberté et d'autorité, défend-il. Il a livré ses convictions et présenté les ressorts de son action lors de la Matinale du Club Ville de Demain auquel est associé Cadre de Ville, jeudi 27 mai, lors de l'étape cannoise du "Tour des Villes".
David Lisnard
La proximité au quotidien est un défi", pour David Lisnard. "Le maire reste un habitant parmi les habitants, même s'il a un mandat." Pariant sur l'attractivité du territoire tant par son action sanitaire que par la culture, et sur une amélioration de la qualité de vie, défendant une nécessaire solidarité, l'équipe municipale se confronte à une identité cannoise composite, que le maire veut unifier. Cannes est la ville de tous les contrastes : la ville est une "marque" internationale à l'évidence, forte de son tourisme d'affaires, de la filière nautisme comme de celle des satellites (avec Thalès notamment), et de ses industries de la création, elle va accueillir la société d'événementiel Novelty sur la friche AnsaldoBreda (5,7 ha portés par l'EPF Paca et aidés par le fonds friches national), et vient d'annoncer l'arrivée du laboratoire Luxury Tech Riviera.
Composite, la ville est "la plus contrastée en termes de population", décrit le maire. L'indice de Gini du niveau d'inégalités le mesure. David Lisnard rappelle que les montants des dépôts bancaires de sa commune de 74 000 habitants sont aussi importants qu'à Lyon. Mais elle slle souffre d'un taux de pauvreté de 20%, contre 13,8% au niveau national. Une ville de diaspora, iranienne, libanaise, arménienne, en même temps que de villégiature internationale argentée, avec la communauté scandinave la plus forte de France, russe antérieure à 1917. C'est une ville d'immigration économique très pauvre depuis le 19e siècle, italienne, espagnole, portugaise, polonaise, maghrébine, cap-verdienne... "Donc, le maire, c'est quelqu'un qui recoud le tissu social", résume David Lisnard.
"Responsabiliser les citoyens"
Le maire a rappelé, lors de la matinale du Club Ville de Demain du jeudi 28 mai (voir le replay en fin d'article), les principes qui guident son action, et sous-tendent ses projets. S'il revendique de responsabiliser les citoyens en les traitant "comme des adultes", notamment par une transparence sur les données de l'action municipale, il est toujours en campagne contre un Etat qu'il juge "défaillant". "Il est moins performant, et l'on constate des entraves qui viennent d'un Etat qui ne sait plus accompagner. On a des fonctionnaires de l'Etat compétents et de bonne volonté, mais rentrent en conflit avec d'autres services. L'autorité naturelle est devenue de l'autoritarisme. Incapable de contrôler et de sanctionner l'Etat multiplie les contrôles a priori."
"On entrave l'usage par un excès de normes", estime le maire qui attaque l'Etat en tribunal administratif pour avoir prononcé un arrêté de carence de logements sociaux au titre de la loi SRU. Il estime qu'on voudrait lui imposer de construire dans des secteurs urbains sanctuarisés dans le PLU, et que l'Etat ne tient pas compte de l'impossibilité de construire pour cause de risques majeurs - "alors que nous avons le record de logements sociaux en nombre de tout le littoral et le taux le plus élevé des villes de plus de dix mille habitants". De façon plus générale, les règles d'urbanisme ne permettent pas de sanctionner "ceux qui trichent", déplore-t-il. "Des gens rasent des arbres, ou transforment des garages en appartements, et je manque d'outils pour les attaquer.. Mais on pénalise les gens qui respectent les règles."
Pour lui, l'écart entre les enjeux des projets et une partie de la réglementation est déraisonnable. David Lisnard regrette que l'Etat ait bloqué pendant un an et demi le chantier de prévention des morts par inondation sur le ruisseau qui traverse le quartier de la Frayère qui tire son nom de la rivière, "au nom du fait qu'on y trouverait de la Consoude bulbeuse, protégée en 1994"... On ne trouva pas ladite plante dans le ruisseau après une enquête "4 saisons" payée par la ville, mais le chantier avait été stoppé. "On oublie la finalité des choses. La modalité devient la finalité. Pour avancer d'un mètre, il faut déployer un kilomètre d'énergie. Il faut retrouver le sens de la subsidiarité."
L'outil du PLU
Le maire rappelle comment il a utilisé la mise en révision du PLU après sa première élection. "Cela m'a permis de prendre des sursis à statuer, et de sanctuariser certains secteurs, le haut de la Californie, les îles de Lérins, la Croix des Gardes, la vallée de la Siagne, et, en revanche de décider qu'à certains endroits, dans des quartiers qui ont été mal aménagés, on peut créer de la verticalité. Sans tomber dans le fétichisme, sans être uniquement protecteurs, nous avons approuvé un plan pour optimiser l'espace, lutter contre les risques majeurs et notamment les inondations, répondre au défi du logement. Et des espaces publics, qui sont un des éléments de compétitivité pour Cannes, y compris dans l'esthétique.
Nous essayons d'éditorialiser les espaces publics, et d'éditorialiser les grands quartiers - l'aménagement doit traduire une intention, être lisible. Nous avons ajouté 68 hectares naturels protégés au nouveau PLU, mais nous avons aussi sanctuarisé des maisons. C'est loin d'être évident avec des propriétaires qui peuvent se sentir spoliés - ils avaient des droits à construire, ils n'en ont plus, mais leur maison va prendre au contraire une grande valeur avec le temps. Nous n'avons rien caché."
L'urbanisme, un investissement sur le long terme
Pour le maire réélu en 2020, "l'urbanisme est essentiel". C'est le seul point sur lequel il concède qu'il faut investir fortement. "On doit adapter notre projet et notre action aux finances - c'est-à-dire qu'on doit respecter le contribuable. Il y a une exception, c'est l'urbanisme. Les dépenses courantes s'amortissent sur 10 ou 20 ans. mais en urbanisme on investit pour 100 ou 200 ans." Comprendre que , pour ce libéral revendiqué ("même si on doit me pendre pour ça par les pieds"), le retour sur investissement dans l'urbain et dans l'architecture se mesure sur le long terme. L'urbanisme nécessite parfois de prendre des décisions qui coûtent un peu plus cher. Il m'est arrivé de ne pas retenir le projet le plus-disant, lors d'une cession de terrain, qui aurait apporté plus de rentrées financières pour la Ville, mais le mieux-disant, celui à l'esthétique plus ambitieuse, avec un bel architecte, et une dimension de lutte contre les risques majeurs." La commune est contrainte de ce point de vue, et répond, par l'aménagement, mais aussi par le développement d'une culture civique à la japonaise.
Lui qui fut le directeur de cabinet de Jacques Pélissard, connaît à merveille les rouages d'une commune, et a su assainir les finances de la sienne. "Nous pouvons afficher, à fin 2020, une baisse de 60 millions d'euros de l'encours de la dette. Les dépenses de fonctionnement ont baissé, pour permettre d'augmenter l'investissement - et ce, sans augmentation de la fiscalité sur les ménages." C'est une des briques de son objectif d'attractivité, avec la capacité qu'a eue la commune de distribuer 110 000 masques dès mars 2020, ou, aujourd'hui, de traquer les clusters en surveillant les eaux usées. "L'attractivité d'une commune se mesure à sa compétitivité, bien sûr mais aussi à sa créativité, et à la sécurité qu'elle garantit, et, au final, à une forme de protection", défend David Lisnard. Rémi Cambau
Après Roubaix le 8 juin, Biarritz, Bourges Cannes et Clermont-Ferrand, le Tour des Villes va s'arrêter à Nevers en juillet.
Le CEPS et son club Ville de Demain, présidé par Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine ont pris l’initiative de créer le Tour des Villes, en coopération avec le Fonds Indarra et en association avec Cadre de Ville. Le projet a pour vocation de permettre à des maires de villes moyennes d’exprimer leur point de vue, leurs attentes et leurs priorités afin de réfléchir aux solutions d’avenir des territoires français. Dans cette optique, le CEPS organise, chaque mois pendant un an, une session débat auprès d’un maire.
En fin de cycle sera rédigé, suite à ces rencontres, un rapport final qui prendra la forme d’une plateforme de propositions d’attractivité urbaine (les atouts à développer), et de recommandations territoriales (les moyens à mettre en œuvre).
Fondé en 1985, le Centre d’Etude et de Prospective Stratégique est une Organisation internationale non-gouvernementale (OING) qui représente 1000 décideurs de 50 nationalités différentes et qui est à l’intersection de multiples domaines stratégiques. Officiellement reconnu par le Conseil de l’Europe, la Commission Européenne, l’OCDE, l’UNESCO et l’OIF, le CEPS dispose de représensations à Abidjan, Alger, Berlin, Beyrouth, Bruxelles, La Haye, Londres, Rome, Washington.