A l'usage unique de
"Nous sommes attractifs, nous accueillerons de nouveaux habitants, mais nous n'avons pas vocation à changer de statut ni de taille". Le maire élu depuis 2014, qui fut président du département veut à la fois conforter la dimension d'excellence de l'agglomération d'Angers dans tous les domaines de la transition écologique, mais aussi la conduire dans la modernité en encadrant une croissance assumée, partagée entre la ville-centre et la périphérie, mais limitée.
Numéro 2 du parti d'Edouard Philippe, il soutient le président de la République. Et décrit sa ville comme "ni de droite, ni de gauche". Un slogan qui résonne "En Marche", même si tous les acteurs de l'urbain savent que la qualité de l'aménagement des villes est sans rapport avec la couleur politique de l'élu. "Il ne faut pas politiser les intercommunalités, si l'on veut qu'elles restent des espaces de projet, avec des accords de mandat, abonde-t-il. Les communes périphériques doivent trouver leur place."
Alors que les élus venaient d'attribuer les droits à construire 300 logements innovants et écologiques, Christophe Béchu a accepté de répondre, le 25 février 2022, aux questionnements de la Matinale du Tour des Villes, organisée par le Club Villes de Demain, créé par le CEPS (l'ONG Centre d'étude de Prospective et de Stratégie). Cadre de Ville assurait la synthèse de ses propos.
La ville idéale ce n'est plus la très grande ville, déclare sans ambage Christophe Béchu. "Le modèle a changé - il peut changer à nouveau, mais on est passé globalement d'une fascination pour la capitale à une fascination pour ce qu'on appelle géographiquement les métropoles d'équilibre, puis aujourd'hui un engouement pour les villes de taille moyenne."
Comment analysez-vous la position d'Angers, considérée comme la première ville de France où il fait bon vivre ?.
Christophe Béchu. Une ville n'est jamais une page blanche. Et quand on s'assoit dans un fauteuil de maire, il faut garder à l'esprit qu'un jour, ce sera celui de quelqu'un d'autre.
Oui Angers est bien classée dans plusieurs enquêtes. Nous sommes la ville la plus végétalisée de France, avec deux fois plus d'espaces verts que la deuxième du classement des villes de plus de 100 000 habitants. Nous affichons 100 m² d'espaces verts par habitant, et vous imaginez l'effort qu'il faudrait faire pour nous rattraper.
Et comme cette végétalisation, cette capacité à respirer, à se reconnecter à la nature prend de plus en plus d'importance. La terre apaise, et nos qualités "naturelles" répondent à cette attente.
La douceur angevine c'est d'abord la douceur de notre climat qui rend fertiles nos terres, qui explique qu'on accueille un pôle de compétitivité mondial autour du végétal. Le Maine-et-Loire est le département qui compte le plus de cours d'eau. D'où les vignes, l'horticulture, le maraîchage. La première de nos qualités c'est cette histoire de 6 siècles depuis le Roi René botaniste, des générations de pépiniéristes
A cela s'ajoute un atout de dimension. Pour prendre une analogie extrêmement mercantile spectaculaire, on assiste à un phénomène chez les consommateurs dont le rêve il y a trente ans était de faire ses courses dans l'hypermarché le plus grand avec le plus grand choix, avec les prix les plus bas. Ce modèle perd du poids, parce qu'on perd du temps qu'on est agressé par toutes les sollicitations, et qu'à la fin c'est un peu de vie qu'on utilise à faire le tour des rayons. Le modèle qui explose aujourd'hui est celui des moyennes surfaces, complété par le marché alimentaire.
En 40 minutes vous faites vos courses de fond, et après vous vous faites plaisir avec le marché alimentaire. La ville moyenne, c'est la moyenne surface.
On préfère vivre dans un milieu où on récupère du temps de vie : pas d'embouteillages, un peu moins d'offre, mais une accessibilité à cette offre. spatiale et budgétaire. Angers est l'incarnation parfaite de ce modèle des villes moyennes.
A taille humaine (150 000 habitants dans une agglo de 300 000), dans l'ouest de la France, la région qui gagne le plus d'habitants et bénéficie d'un engouement.
La moindre attractivité de Nantes et Rennes, qui, compte tenu de leur taille, sont rattrapées par une partie des difficultés des grandes villes, font qu'on voit des Nantais qui quittent Nantes pour venir habiter à Angers, en disant que les raisons pour lesquelles ils ont quitté Paris pour aller à Nantes sont les mêmes pour lesquelles ils quittent Nantes pour venir vivre à Angers : "Insécurité", embouteillages, niveaux des prix de l'immobilier.
Angers est à 1h20 de Paris en TGV et 1h30 de la mer en voiture. Elle attire des cadres qui se disent que leurs enfants auront le choix, puisque nous comptons 43 000 étudiants, soit l'un des plus forts ratios rapporté à la population derrière Rennes. Le CHU, un centre de lutte contre le cancer, répondent aux attentes en matière de santé.
Comment les Angevins vivent-ils cette situation ?
Un élément majeur, crucial, fondamental de la qualité de vie, ce sont les Angevins. J'en suis. Pendant très longtemps on a théorisé que pour vivre heureux il fallait vivre caché. On pensait qu'ne étant endormis la vie serait plus tranquille. D'autant plus que, pendant très longtemps, les Angevins n'ont pas réalisé les atouts de leur territoire, d'autant plus que, comme on a tout ici, les gens ne déménagent pas. Un Angevin reste à Angers.
Au milieu des années 2000 j'étais président du département. JP Raffarin visite notre petite cité. Nous obtenons d'être un pôle mondial dans le domaine du végétal compte tenu de nos 25 000 emplois, 3 500 étudiants et 500 chercheurs dans cette filière.
Cela a heurté la modestie locale. Le pôle de matériaux composites basé à Nantes est un pôle national, lui, et si Angers a un pôle mondial, c'est du favoritisme politique, ou alors on ne va pas le rester. Quand on est montés en ligue 1 des gens m'ont dit "on redescendra dans un an"... Pas "l'an prochain c'est l'Europe et on sera champion". On n'est pas des Marseillais.
Donc nous n'avons pas spontanément un comportement d'ambassadeur. Cela a un énorme avantage : les gens sont légitimistes, polis, courtois, ouverts. Au stade on attend que l'arbitre ait validé le but. ça participe à une qualité de vie et de rapports humains entre les gens reconnue par ceux qui viennent de l'extérieur .
Nous sommes l'archétype de la ville du quart d'heure au sens réel.
Avez-vous ressenti un effet Covid ?
je me garderai de tout avis définitif, mais la crise sanitaire a accéléré notre développement dans des proportions qui nous préoccupent. En 2019 les prix de l'immobilier avaient progressé de plus de 10% à Angers, ce qui était déjà un indice d'attractivité. En 2020, malgré le Covid et le confinement, on a enregistré +14% et, en 2021, nous semblons sur une pente de l'ordre de +20%.
Bilan : Angers est la première ville de France fléchée par les investisseurs, ce qui ne me ravit pas, car ma préoccupation n'est pas de devenir un Monopoly géant, c'est de pouvoir répondre aux besoins des gens. Mais comme on a un prix au m² qui n'atteint pas les 4 000 euros/m², plutôt autour de 3 300/3 400, forcément quand on vient d'ailleurs c'est un atout important.
Je ne vais pas me mettre pour autant à construire à outrance. Notre atout est d'être une ville moyenne. Si un jour on a 300 000 habitants dans Angers au lieu de 150 000, c'est qu'on aura succombé à une densité qui nous amènera les problèmes qui vont avec cette densité.
Je ne rêve pas d'une ville millionnaire qui voudrait dépasser telle ou telle. Je rêve de construire une ville qui sera pas trop dense. Evidemment on sera plus dense que ce qu'on a fait dans le passé pour lutter contre l'étalement urbain. Mais Angers n'a pas vocation à changer de statut ou de taille.
Nous sommes à la mode, nous sommes attractifs, les gens ont envie de venir, peut-être, mais nous n'utiliserons pas nos réserves foncières pour aller faire du logement, changer de catégorie, et nous placer dans une cour qui ne serait pas la nôtre.
Vous revendiquez de vous inscrire fortement dans la transition écologique. Comment cela se traduit-il ?
La ville est en train de finaliser les travaux des ligne B et C de tramway. Dans un an, Angers disposera de 3 lignes qui évidemment permettront de décarboner une large partie de la circulation. La flotte de bus est en train d'être convertie au GNV que nous produisons nous-même.
Nous sommes considérés comme la ville la plus écologique de Farnce . - anecdotiquement parce que nous avons le pourcentage le plus élevé d'épiceries bio, mais aussi parce que notre station d'épuration récupère le gaz émis par les boues, qui est réinjecté sur le réseau, valorisé au lieu d'être brûlé.
Nous produisons ainsi pour près de 2 millions d'euros par an de GNV - une recette pour la collectivité, dont le produit permet d'abonder un fonds d'accélération de la décarbonation autour des usages et des mobilités douces.
Et puis nous avons lancé un programme de territoire intelligent dont l'enjeu est écologique : mettre en jeu les technologies au service de la transition écologique. Nous voulons diviser par trois le prix de notre éclairage nocturne, pour passer de 3 à 1 million de coût annuel, installer des capteurs dans les parcs et jardins, pour les arrosages automatiques. Nous intégrons une gestion intelligente et apprenante des feux tricolores, et le signalement les places de parking disponibles.
Angers a un plan vélo sous compétence de l'agglo depuis le 1er janvier 2022, doté de 3 millions par an pour structurer des pistes, résorber des points noirs. La collectivité prête gratuitement 2 500 vélos aux étudiants qui arrivent sur le territoire et 4 000 Angevins ont été aidés dans l'acquisition d'un vélo électrique , et nous avons mis en place une aide aussi à l'acquisition de vélos classiques.
Nous avons enfin lancé des Assises de la Transition écologique, en nous inspirant de la Convention citoyenne en tenant compte de ses loupés et de ses ratages.
Nous avons fait appel aux bonnes volontés (pas de tirage au sort) pour faire remonter des mesures à prendre. Nous avons recueilli plus de 1 000 idées. Au final 54 mesures ont été retenues, des circuits courts à des logiques de décarbonation, en passant par des actions zéro déchets en passant par des mesures plus coûteuses.
La future médiathèque Toussaint transformée sur des plans de Tetrarc Architectes - doc Angers
Quelles sont les priorités du mandat qui a commencé ?
Nous avons trois priorités pour ce mandat. La première, c'est le renouvellement urbain. Nous avons nous aussi des quartiers construits à la hâte au lendemain de la guerre ou à la va-vite dans les années 60. On y trouve à la fois des immeubles de logements qui sont des passoires thermiques mais aussi des lieux dans lesquels on a perdu une forme de mixité.
Ce souci-là me conduit à mettre en oeuvre le dispositif NONRU obtenu. c'est un demi-milliard d'euros que nous y consacrons entre 2017-2018 et 2026-2028 à démolir 1 000 logements à en réhabiliter 4 000, à en résidentialiser 2 000, à refaire des hectares d'espaces publics, à revitaliser des commerces. Angers compte 37% de logements sociaux, mais deux quartiers présentent un taux de plus de 50%, où je vais faire passer le taux sous cette barre. La mixité, elle doit se vivre à l'échelle de l'agglomération avec une stratégie de peuplement cohérente et digne de ce nom. Nous luttons contre la communautarisation potentielle de ces quartiers également en modifiant les repères. La concentration de commerces ethniques, l'absence des femmes dans l'espace public, a conduit à repenser son organisation, en travaillant sur l'urbanisme, et en lançant des projets partout.
La deuxième priorité c'est la culture. Le premier mandat a mobilisé 100 millions d'euros d'investissement dans le sport. La refonte avec extension de la médiathèque Toussaint par l'agence Tetrarc Architectes (Nantes) représentera 30 millions d'euros. Le conseil municipal du 28 février 20223 a validé le projet. L'étape suivante, à 20 millions d'euros sera la salle de musiques actuelles qui apportera des capacités augmentées pour des concerts. La suite sera un musée d'histoire naturelle, conforter le Conservatoire, les médiathèques de quartier.
Et puis enfin c'est la transition écologique, dont j'ai parlé.
Comment comptez-vous concilier modernité et maintien de l'identité locale ?
Pour garder notre identité, il faut qu'on assume de freiner l'enthousiasme des promoteurs et de ceux qui veulent venir sur notre territoire, sinon nous cesserons d'avoir taille humaine. La commune d'Angers était passée sous la barre des 150 000 habitants. Depuis 7 ans la Ville a gagné 7 000 habitants et le rythme s'accélère. Et 2021 est l'année record pour la vente de terrains en ZAC intramuros. On devrait donc connaître un rythme d'apport de population de l'extérieur peut-être supérieur aux 1 000 par an que nous avons connus ces dernières années.
Mais ce n'est pas une raison pour ouvrir les vannes. J'ai le pied sur le frein, devant des promoteurs qui me demandent à pouvoir acheter des terrains. La particularité de la Ville d'Angers ce sont ses réserves foncières.
en 1906, Angers a accueilli le premier aérodrome de province, dont la particularité est qu'il était dans la Ville, à cheval sur Avrillé. Soit une centaine d'hectares qui, lorsqu'on a reconstruit l'aérodrome à 25 km sont devenus urbanisables, et, comme il n'y avait plus de survol alentour, ce sont 150 ha supplémentaires où l'on a pu imaginer des constructions ou des hauteurs différentes de la ville centre.
Ces réserves se sont révélées donner des capacités que nous exploitons en y menant le tramway, et en y projetant entre 20 000 et 30 000 habitants supplémentaires. Mais nous maîtrisons ce développement, pour réguler notamment en matière d'équipements publics.
Maîtriser notre évolution c'est assumer le fait de refuser de vendre, de bloquer un certain nombre de projets, de refuser l'hyperdensification pour conserver notre nature au sol,
Nous avons recensé 500 arbres remarquables avec les citoyens. protégés dans notre PLU. On assume ça aussi.
Notre territoire depuis 7 ans a continu à gagner de la population. Auparavant, l'agglo en gagnait, mais pas Angers. Depuis mon premier mandat, quand on gagne deux habitants il y en a undans la ville centre et un dans le reste de l'agglo. Notre rythme de développement est correspond à ce que nous sommes. Pour accompagner ce phénomène nous assumons un développement dense des lignes de transport an première couronne avec quelques lignes express un peu plus lointaines. S'y ajoute du transport à la demande et du soutien financier au covoiturage. Le tout pour favoriser une décarbonation- mais sans idéologie. Je m'explique : la commercialité d'une ligne de bus doit se démontrer. S'il n'y a pas au moins 6 personnes dedans il vaut mieux que les gens gardent leur voiture individuelle.
Les villes les plus performantes sont celles où la densité de l'offre est la plus élevée. Strasbourg et Lille sont des modèles : la participation financière de l'usager est une des plus élevées de France, un coût mis au service de fréquences élevées. Si le passage à la gratuité doit se financer par l'arrêt de certaines lignes, l'usager ne s'y retrouve pas au bout du compte. Sur ce sujet on désidéologise et on construit des consensus.
En quoi selon vous Angers est-elle le modèle de la ville de demain ?
Le mouvement de fond auquel nous étions confrontés s'accentue. L'intelligence c'est d'avoir une gouvernance de projets et pas une opposition idéologique. Ce qui fait la ville de demain, c'est qu'on n'oppose pas la technologie et la transition écologique. La solution n'est pas uniquement dans la sobriété.
Oui les Angevins cultivent la discrétion. Et pourtant, nous avons des programmes architecturaux ambitieux dans le cadre d'Imagine Angers - première déclinaison en France de Réinventer Paris. J'ai découvert l'exposition des résultats de Réinventer Paris, œuvre de l'équipe d'Anne Hidalgo, et j'ai été fasciné. Nous avons repris l'idée et nous l'avons acclimatée, en tenant compte de ce qui n'avait pas bien marché à Paris. Quand on voit le nombre de projets Réinventer Paris qui se sont perdus dans les limbes, nous avons mis en place des procédures différentes. Nous avons moralisé la rémunération des architectes. Le succès de certains de nos quartiers nouveaux c'est la reprise des idées des autres que nous avons implantées sur notre territoire.
Nous nous sommes inspirés de Dijon pour sa gestion urbaine par le numérique, de Rennes pour les écoquartiers, de Paris pour l'architecture.
Pour avoir une synthèse de ce qui fonctionne dans l'urbain, il suffit de venir à Angers...
Après Saint-Denis, Les Sables-d'Olonne, Roubaix, Biarritz, Bourges, Cannes et Clermont-Ferrand, Nevers et Sceaux, le Tour des villes s'est arrêté à Angers début mars 2022.
Le CEPS et son club Ville de Demain, présidé par Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine, ont pris l’initiative de créer le Tour des Villes, en coopération avec le Fonds Indarra et en association avec Cadre de Ville. Le projet a pour vocation de permettre à des maires de villes moyennes d’exprimer leur point de vue, leurs attentes et leurs priorités afin de réfléchir aux solutions d’avenir des territoires français. Dans cette optique, le CEPS organise, chaque mois pendant un an, une session débat auprès d’un maire.
En fin de cycle sera rédigé, suite à ces rencontres, un rapport final qui prendra la forme d’une plateforme de propositions d’attractivité urbaine (les atouts à développer), et de recommandations territoriales (les moyens à mettre en œuvre).
Fondé en 1985, le Centre d’Etude et de Prospective Stratégique est une Organisation internationale non-gouvernementale (OING) qui représente 1000 décideurs de 50 nationalités différentes et qui est à l’intersection de multiples domaines stratégiques. Officiellement reconnu par le Conseil de l’Europe, la Commission Européenne, l’OCDE, l’Unesco et l’OIF, le CEPS dispose de représentations à Abidjan, Alger, Berlin, Beyrouth, Bruxelles, La Haye, Londres, Rome, Washington.