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08 octobre 2024

Stéphane Fratacci : "l'offre de service globale qu'apporte la ville doit aboutir mieux et plus vite"

Pour lui, "le temps est un facteur-clé" de l'aménagement urbain. Le directeur général de la CCI Paris Île-de-France porte une vision forte et "globale", dit-il, des possibilités qu'offre la région. Il donne des exemples concrets de projets et d'outils pour conduire une conciliation des usages, dont le travail et le logement sont pour lui des piliers. De ce point de vue, "il faut faire repartir le cycle immobilier", par la construction neuve ou par transformation, notamment de bureaux. "Il faut des terrains, des projets, des autorisations sur de gros volumes." La CCI accueille le 17 octobre les Entretiens du Cadre de Ville, dont les ateliers et débats illustreront les nouveaux chemins du changement urbain pour répondre aux situations d'urgence, notamment dans une présentation de start-up industrielles vertes. "Une transition juste signifie qu'un quartier n'oublie personne, et notamment pas le fait que l'activité économique est structurante pour un territoire."

Entretiens du 17 octobre : "Quelle cohabitation des fonctions, quelle intégration des fonctions productives ?"
Réindustrialiser et maintenir de l'activité productive. Et bien entendu en bas carbone. Mais où ? Comment faire ? Sur quels fonciers ? Avec quel modèle économique ? Avec quels partenaires ?
  • Zone Industrielle Bas Carbone sur le Grand Port Maritime de Bordeaux: quelle démarche territoriale pour une industrie vertueuse, acceptée socialement et associant tous les acteurs locaux ?
    Par Scheherazade Deniard, Directrice Développement Territorial Gironde, EDF
    et Jean-Frédéric Laurent,  Directeur, Port de Bordeaux


Dans le cadre de l’appel à projets ZIBAC de France 2030, les zones industrielles de Bassens et d'Ambès, se restructurent avec une vingtaine d’industriels et d’acteurs institutionnels. Objectif de ce projet ? Atteindre la neutralité carbone en 2050. Avec quels acteurs ? quelle gouvernance ? quel modèle économique ?

  • Reconstituer des fonciers économiques à partir de friches industrielles : une société de portage foncier long terme entre l'Epora et la Banque des Territoires (Rhône-Alpes)
    Par Florence Hilaire, Directrice générale, EPORA


L’Epora, EPF expert dans le traitement des friches industrielles s’outille pour lutter contre l’extension et l’artificialisation en créant un outil de portage foncier long terme. Quelle stratégie ? Quel modèle économique ? Quelle structure juridique ?

  • Le Lot : adaptation à la grande échelle d'un territoire. Quel maillage des services face aux défis démographique, économique et topographique ? Approche globale de l’aide à domicile, maisons d’autonomie et plan alimentaire territorial
    Par Arnaud Boué, directeur général, SEM Lot à Domicile

Confronté à des défis démographique (population vieillissante) et économique, dans un territoire où l’activité agricole constitue un tissu important, mais dont la rentabilité est chahutée, le département déploie des projets aux multiples facettes, portés par la SEM Lot à Domicile. D’une activité initiale consistant à mailler le territoire de services pour les seniors (portage de repas, maison d’autonomie), elle a progressivement fait évoluer ses services (accueil de jeunes actifs) jusqu’à inscrire son action dans un Plan Alimentaire Territorial : l’exploitation d’une unité de production permettra de produire des repas pour les livraisons à domicile et maisons d’autonomie dans un 1er temps, avec tous les bénéfices pour la santé des personnes fragiles d’une alimentation locale et saine, mais aussi pour l’économie du département, afin de permettre à des agriculteurs de pérenniser leur métier. A plus long terme, la capacité de production pourra être accrue et avec elle les débouchés possibles.

>> Voir le programme synthétisé des Entretiens 2024 du Cadre de Ville
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Stéphane Fratacci, directeur général de la CCI Paris Île-de-France
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Propos recueillis par Rémi Cambau

- Compte tenu des besoins propres des entreprises, et en particulier des entreprises industrielles, comment la Chambre porte-t-elle la question de la transition écologique et de l'adaptation au changement climatique ? plus particulièrement, qu’attendez-vous des politiques publiques en matière de foncier dédié à l’activité économique ?
Les élus consulaires sont très sensibles aux enjeux de la transition environnementale et du changement climatique, et regardent ce qui peut être fait par les entreprises de façon proactive, y compris pour se saisir de ce déif comme une opportunité. Une opportunité d'accélérer des transformations internes dans leur manière de produire - évidemment plus de sobriété, mais une forme d'efficacité et de performance, comme dans l'amélioration de la consommation des intrants.

Il est dans notre mission de chambre de commerce et d'industrie aux échelles régionale comme territoriale d'accompagner les entreprises dans leur transition, et notamment les transitions environnementales. C'est une priorité qui nous est assignée par les pouvoirs publics à la fois dans les contrats d'objectifs et de et de performance conclus à l'échelle nationale, comme dans les conventions d'objectifs et de moyens qui en sont la déclinaison régionale territorialisée. C'est un des axes forts de notre contractualisation quadriennale que d'accompagner les entreprises dans leur transition et notamment dans leurs transitions environnementales, qui entre en résonance avec le plan stratégique que se sont donné les élus de la chambre de Paris Île-de-France pour leur mandature.

- On comprend l'intention, mais comment cela se traduit-il ?
On peut dire que les entreprises sont des acteurs clés du territoire, par leur contribution à l'emploi, à la création de richesses, et aussi des acteurs clés parce que elles doivent combiner leurs activités par rapport à tous les autres usages du territoire, à lleur évolution, et aux partis pris d'aménagement posés et concertés par les collectivités territoriales. Elles ne peuvent le faire seules, et c'est tout l'intérêt des Entretiens du Cadre de Ville.

Elles sont des acteurs de référence mais qui agissent évidemment dans des cadres, posés évidemment par la région, compétente et porteuse de responsabilité en matière de développement économique, d'attractivité mais aussi des schémas thématiques et généraux d'organisation de l'espace, de partage et de dévolution l'espace à différents usages.

On retrouve ici la question foncière, car la recherche de la sobriété foncière suppose un usage raisonné du foncier. L'objectif, qui est devenu de plus en plus visible, de zéro artificialisation nette des sols suppose évidemment la mobilisation de tous les acteurs, et au premier chef les acteurs privés, même les citoyens dans leurs propres projets, mais aussi les entreprises, avec des objectifs qu'il faut concilier comme les objectifs de réindustrialisation, de relocalisation industrielle, de reconquête ou de réaménagement des centres-villes - on a évidemment là aussi les actions de la région, des actions de la métropole du Grand Paris, des communes notamment dans la zone dense mais pas que, sur les centres-villes vivants, revitalisés -, et puis la question de la requalification des zones plus périphériques, dont l'attractivité a pu s'étioler voire se dégrader, qu'il s'agisse des usages commerciaux ou des zones d'activités.

Il y a dans ce sujet de conciliation des usages des enjeux majeurs comme le logement des salariés, qui intéressent autant les individus, les collectivités, que les entreprises. Topus les enjeux que porte cette question supposent des actions forcément partenariales, convergentes et collaboratives, y compris des politiques publiques nationales à l'échelle de l'Île-de-France qui représente trente et un pour cent du PIB français, autour de vingt-et-un à vingt-deux pour cent de la main-d'œuvre nationale.
C'est une région qui pèse évidemment en termes de population, un peu moins de vingt pour cent de la population française. Ce poids-là justifie évidemment un impact plus fort et une attention plus forte parce que c'est une zone dense.

Si je prends comme illustration l'équilibre de la répartition des différentes fonctions urbaines, fonction entrepreneuriale, fonction de logement, fonction de préservation de la nature, à l'heure du zéro artificialisation nette, on voit bien, dans une zone dense comme l'Île-de-France, toute l'importance de cette démarche de définir le chemin critique pour concilier des objectifs quine sont pas contradictoires, mais qui tirent dans des logiques pas toujours convergentes. Or, il faut les faire converger.

Le Sdrif-E s'y emploie, schéma directeur environnemental. Il répartit l'usage d'une ressource rare, le foncier, l'espace libre - et dans une région dense il y en a moins - en en faisant une gestion économe et évolutive dans le temps.

La chambre Paris Île-de-France a pris des positions comme personne publique associée dans le cadre de l'élaboration du schéma. La CCIR, via son rapporteur, Dominique Mocquax, élu référent, a souligné l'intérêt de préserver dans cette logique du foncier à usage économique, notamment en modernisant les zones d'activités existantes. Elles sont déjà en partie artificialisées, donc permettent de concilier l'objectif de zéro artificialisation nette avec la revitalisation de zones d'activités qui peuvent ne plus correspondre aux usages attendus des entreprises, parce qu'elles ont été conçues dans un autre temps, dans une autre logique, pour répondre à d'autres besoins, d'infrastructures, de connexion, d'alimentation en énergie. On peut concilier bien des thématiques, comme les Entretiens du Cadre de Ville en donnent des exemples.
Nous voulons le souligner : il faut penser au foncier économique dans la conciliation des usages.

- Comment peut s'articuler la question du logement avec celle de l'activité économique ?
Pour aller plus loin, les documents d'urbanisme locaux, et pas seulement le Sdrif-E, peuvent permettre de définir des ratios logement/activités, pour qu'on ait bien cette double approche : là où les gens vivent, là où ils travaillent, avec des impacts qui du coup peuvent être mieux pensés entre les lieux tiers d'activités et les lieux de vie, les fonctions résidentielles et les fonctions économiques. Non pas dans une partition de l'espace, mais dans une meilleure gestion de lieux d'intermédiation.

On peut avoir ces logiques là dans des approches larges à l'échelle d'écoquartiers. Par exemple, le site d’une ancienne briqueterie à Breuillet dans l’Essonne,  sur un foncier de 15 hectares, a fait l’objet d’une réhabilitation lourde pour réaliser un écoquartier de 450 logements dont 30% sociaux, dans des bâtiments de 4-5 étages associés à des lotissements dédiés à des activités économiques, tout en conservant deux parcelles agricoles pour y développer de l’agriculture urbaine.

On peut associer des espaces dédiés à la vie des gens, au temps libre, aux loisirs, des modes doux de mobilité par exemple, intégrer des logiques de cogénération, de la géothermie de proximité. L'activité économique peut permettre d'alimenter par cogénération soit un chauffage urbain, soit un quartier, soit d'autres activités économiques.

Des approches globales dans la reconversion de sites à requalifier permettent d'entrer dans des logiques multi thématiques au compte de véritables projets de quartiers. Les outils pour ce faire existent. Evidemment les opérateurs privés ou publics - et je pense aux SEM, en particulier à la SEM régionale Investissement et Territoire créée par la région où nous sommes au tour de table, avec la Région, la Caisse des Dépôts et des acteurs banciares. Elle permet la maîtrise publique des terrains, leur portage et de développer de l'aménagement foncier intelligent mixte. Nous sommes aussi acteurs de la foncière de revitalisation commerciale de la Métropole du Grand Paris, pour favoriser une forme de retour aux centres-villes par une intervention sur les locaux en déprise.

- Vous demandez en quelque sorte un traitement juste, équitable, du monde économique ? Que pourrait-on appeler une "transition juste", cette notion que vont aborder les Entretiens du Cadre de Ville le 17 octobre ?
Ce qu'on peut appeler une transition juste, signifie qu'un quartier soit une création qui n'oublie personne, et notamment pas le fait que l'activité économique est structurante pour un territoire. L'oublier c'est peut-être l'amener à péricliter.

Nous avons notamment souligné l'importance de réserver des lieux pour l'activité industrielle d'intérêt régional, combinée avec la possibilité d’extension urbaine. Des lieux dans lesquels la destination industrielle mérite d'être préservée, car il faut respecter des logiques de taille critique.
Ainsi le Génopôle d'Evry, la plateforme multimodale de Bruyère-sur-Oise, le Parc des Ulis à Courtaboeuf, la ZAC de Corbeville sur le Plateau de Saclay, ou les Berges de la Seine à Argenteuil avec notamment la grande emprise historique que libère Dassault.

A la demande de l'Etat, les CCI françaises ont été missionnées pour accompagner la réindustrialisation de la France avec notamment la création d’un accélérateur pour accompagner cette réindustrialisation dans chaque région. La CCIR anime ainsi avec la CCI de Normandie un accélérateur de relocalisations qui accompagne tout projet pendant 4 à 6 mois. Nous constatons de ce point de vue que les procédures d'implantation industrielle sont très longues. Le Certificat de projet - déjà institué pour les friches - serait une bonne avancée, de même que des procédures intégrées.

Dans le cas des sites industriels clés en main, la simplification est à l'oeuvre. L'industriel n'a pas é demander toutes les autorisations, comme loi sur l'eau, ou installations classées... Elles sont déjà acquises. Ce sont des sites industriels prêts à l'emploi. Il y en a 36 en Île-de-France, pour 182 dans toute la France. C'est déterminant pour des industriels qui, confrontés au Covid et à la crise de la logistique, ont effectué des arbitrages de sourcing pour leurs approvisionnements. Certaines avaient un sourcing unique monde. Elles ont basculé géographiquement et stratégiquement, pour en avoir au moins un par continent, voire deux. On a vu des constructeurs automobiles faire revenir des fournisseurs dans leur proximité en Île-de-France, pour recréer un écosystème dans lequel on sécurise la logistique des composants clés. La relocalisation joue unrôle dans cette sécurité.

Nous avons bien conscience que la prise en compte de l'activité économique et industrielle dans les projets d'aménagement est une obligation double. D'un côté qu'on ne l'oublie pas dans la logique de projet, et d'un autre côté, que l'activité économique soit elle-même porteuse évidemment de ce sens de la transition environnementale. Elle doit la prendre aussi comme un levier propre à elle-même.

L'opportunité des transitions est là, dans une activité économique responsable, évidemment conciliable avec les autres destinations de l'espace : résidentielle, de loisirs, de destination nature, et même l'agriculture si on va plus loin. Apporter de l'activité à proximité des lieux de résidence, c'est permettre une meilleure qualité de vie aux salariés.

- Le schéma directeur de la région, le Sdrif-E, fixe notamment l'objectif de reconquête des ZAE. Quelles opportunités porte cet objectif, selon vous ?
La question va se poser dans un sujet que nous avons soulevé : la revitalisation de Zones d'activité économique. Parfois, les faire revivre rejoint l'accueil d'une activité sur un site industriel clé en main. La restructuration du secteur de Villaroche, ou de celui de Roissy posent ces questions. Des zones d'activité qui ont 10, 20, 30 ans, qui ont vécu, ne correspondent plus aux besoins des entreprises qui s'y trouvent. Le cycle de vie d'une entreprise requiert des types de consommation différents.

On le voit à Villejuif Biopark, en bordure de Gustave-Roussy, où des spin-off de l'hôpital et de la recherche se sont développées. Après l'incubation et la pépinière, ces entreprises ont besoin d'espaces de rebond, des espaces d'implantation dans un écosystème. Il faudra parfois repenser certaines ZAE pour les adapter. C'est à nouveau reprendre unparti d'aménagement. Une zone d'activité n'est pas un centre commercial, il faut la faire vivre, et trouver une manière d'organiser les parcours d'entreprises et de redonner du sens à la ZAE. Certaines ont besoin d'un management, de développer une offre de services, pour la faire bien vivre, après le temps de l'aménagement. Il ne s'agit plus seulement d'implanter une activité, mais de créer des écosystèmes vivants.

- Quelles tensions identifiez-vous dans cette logique de conciliation des usages ?
La réalité de l'Île-de-France, c'est que la ressource en espace y est plus rare parce qu'on est dans une zone plus dense, plus peuplée en tout cas dans ses centralités. Cependant, plutôt que de tensions, je parlerais de compétitions pour organiser une répartition harmonieuse de l'espace prenant en compte dès le départ des objectifs de conciliation, tout en évitant de nouvelles emprises sur les espaces naturels, mais à l'inverse en réduisant l'artificialisation.

Cette ambition multiple doit être un moteur de l'aménagement en Île-de-France. Dominique Mocquax l'a souligné dans le rapport de la Chambre sur le Sdrif-E. J'ai parlé aussi du rôle que pouvait jouer la Chambre comme actionnaire des opérateurs, mais il y a aussi une troisième idée, celle de la réversibilité. Comment les usages d'une même construction peuvent évoluer dans le temps - car toute construction contribue en soi à l'empreinte carbone sur la planète. Certes, les constructeurs sont très actifs dans ce domaine pour proposer des solutions décarbonées, mais nous essayons de promouvoir l'idée qu'un bâtiment peut avoir des usages réversibles et qu'on peut passer selon les momentum de l'un à l'autre.

C'est une idée que nous prônons, appuyés sur une prise de position de la CCIR du 13 octobre 2022 portée par son rapporteur, Benoît Monroche. Il s’agit de permettre à un immeuble de changer d’usage tout au long de son cycle de vie moyennant des travaux mineurs d’adaptation : un immeuble de bureaux pourra être transformé en logements, puis revenir à du bureau pour ensuite accueillir une activité productive. De ce point de vue, le permis réversible ou multidestination serait une avancée importante, proposée par la CCIR. Si de telles opérations engendrent inévitablement des surcoûts, à terme, le bénéfice en sera patent. A l’heure de la sobriété foncière, souplesse, flexibilité et adaptabilité des biens immobiliers doivent devenir les maîtres-mots de l’Etat, des collectivités territoriales et des professionnels.

Les permis de construire à double détente accordés aux immeubles du Village Olympique représentent un exemple. A l'occupation pour des athlètes succède des destination de logements, ou de bureaux. Il peut y avoir d'autres configurations. La multi destination n'est pas l'alpha et l'oméga de la sobriété, mais peut être un outil qui permette, dans des espaces pensés façon plus générique, d'avoir cette transition.

- Diriez-vous que la ville existante est une ressource ? On s'interroge notamment sur le parc de bureaux vacants notamment.
Oui, l'Île-de-France compte une disponibilité importante de mètres carrés de bureaux, car les modalités du travail tertiaire ont évolué. Un effet post-Covid, un usage du télétravail et du flex office unpeu plus important qu'ailleurs, font que l'on recense près de 4 millions de mètres carrés de bureaux disponibles. Le taux de vacance est de 12%.

Derrière ce phénomène, il faut comprendre que des entreprises réorganisent le travail, et les relations avec leurs collaborateurs. Certaines se recentralisent, d'autres créent des campus. D'autres déploient des implantations plus périphériques. C'est un double mouvement d'évolution de l'usage des bureaux. Nous l'avons analysé dans notre avis sur le Sdrif-E. De fait, on assiste à des évolutions de localisation géographique qui font que la vacance se concentre dans certains secteurs.

L'Île-de-France est une région de sièges sociaux, avec une activité forcément en interaction avec les collectivités et les grands services de l'Etat. Il y a un besoin de bureaux, certainement plus important qu'ailleurs. Nous estimons que 40% des cols blancs franciliens ont recours au télétravail, ce qui joue aussi sur les habitudes de transport, et des arbitrages dans les modes de vie où la place du travail change. Des études estiment que le besoin de bureaux est moindre, de l'ordre de 20% à 30%.

Au total, bien sûr, le besoin demeure, mais de bureaux différents, plus flexibles, plus adaptables, mieux connectés. Ces attentes font que l'économie des bureaux reste soutenue. Et les problèmes ne se posent pas tant en termes de rééquilibrage de quartiers qui seraient d'affaires ou résidentiels, mais en termes de faisceaux d'indices. Il faut tenir compte de la desserte, de l'environnement sur le plan de la sécurité, des services et de leur qualité, des espaces publics, l'offre de logements proches à des prix raisonnables - le logement social est important, mais aussi le logement intermédiaire et l'accession à la propriété.

La qualité environnementale est aussi majeure : quelle place à la lutte dontre les îlots de chaleur ? Les entreprises cherchent la ville durable pour tous, travailleurs ou résidents. On voit à peine les effets des premières lignes du Grand Paris Express sur les quartiers de gare. Les lignes 14, 15 ou 18 sont des opportunités pour transformer la région dans la décennie qui vient, en repensant les quartiers agréables - y compris loin des grandes centralités, auxquelles on reste connecté. Plus de trente projets d'aménagement sont déjà liés à la soixantaine de gares nouvelles.

- Que peuvent faire les pouvoirs publics pour favoriser l'émergence d'une filière de transformation des vaisseaux échoués de l'immobilier tertiaire ?
On compte en France entière près de 800 opérations de transformation de bureaux en logements par an, soit à peu près 1,2 million de mètres carrés, qui permettent de produire quelque 2 000 logements, soit 2% des logements créés tous les ans. L'Île-de-France, c'est 20% de ces transformations.

Le frein est principalement le coût d'opérations complexes, à quoi s'ajoutent des sujets fiscaux et administratifs. De cepoint de vue, penser la réversibilité dès le départ réduirait les coûts et les procédures. De cepoint de vue, intégrer des transformations de bureaux dans de plus grandes opérations, quand elles concernent plusieurs immeubles, permettrait d'utiliser des outils plus globaux facilitant la réalisation des opérations.

On a besoin de simplification, et nous en sommes demandeurs, mais aussi d'accélérateurs. Aller un peu plus vite, un peu plus simple, et dans une vision plus globale, nous semble aller dans des directions très souhaitables, pour répondre mieux aux besoins de la ville élargie qu'est la ville francilienne.

- Quelles sont les attentes de la Chambre concernant le logement ?
On est dans une période de difficulté. On est dans un creux malgré un léger frémissement, notamment une détente sur les taux. Pour faire repartir le cycle immobilier, le chemin est long. Il faut des terrains, des projets, des autorisations sur de gros volumes.

Je veux citer une prise de position récente de la Chambre, portée par Bernard Michel, qui a présidé Gecina, ancien président de Crédit Agricole Immobilier, dans le cadre de la préparation du projet de loi sur l'offre de logements abordables. Nous insistions sur trois aspects : d'abord la place du logement dans l'économie française, tant la construction neuve que la rénovation ou la réhabilitation. Ensuite le logement et le bien-être des salariés à proximité des bassins d'activité - cela joue indirectement sur la compétitivité des entreprises. Enfin l'équilibre entre les types de logement est indispensable, je l'évoquais tout-à-l'heure, pour construire des parcours résidentiels toute la vie. L'attractivité économique est aussi déterinée par la capacité à se loger des collaboratrices et de collaborateurs.

Je le redis, la simplification et l'accélération sont déterminantes. Il faut que les pouvoirs publics aient la capacité de parler d'une seule voix avec les acteurs privés, pour les grandes opérations d'aménagement, pour les grandes relocalisations industrielles, pour les grands projets de transformation, j'y crois beaucoup. Il faut redonner du temps.

Le temps a de la valeur. On le voit dans la réaction de nos concitoyens devant les délais que peut prendre l'aménagement. Pouvoir répondre plus vite a de la valeur, de l'impact sur mon quotidien, la manière dont je me loge, sur la manière dont je vais vers mon travail et mes loisirs. Cette valeur là, d'une offre de service globale qu'apporte la ville, si elle peut aboutir mieux et plus vite, nous en tirerons un bénéfice citoyen global plus important.